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La loi civile de l’internet 12.965 du 23 avril 2014 – MCI: Marco civil da internet – est considérée comme la ” constitution” de l’internet au Brésil. Le texte vise à répondre aux défis de la mondialisation, à savoir la nécessité d’une réglementation juridique des relations numériques. Il est le résultat d’un intense débat public qui a impliqué à la fois le parlement et le pouvoir exécutif, tout comme la société civile dans ses expressions multiples. Aujourd’hui, il inspire aussi la rédaction de textes législatifs en cours dans d’autres pays.
Jânia Maria Lopes Saldanha est Docteur en droit, post-doctorante à l’IHEJ – Institut des hautes études sur la justice, professeur à l’Universidade Federal de Santa Maria, Brésil. Avocat.
Nous traversons une longue période de convulsions et de profondes transformations. Le développement des médias numériques, en particulier depuis la seconde moitié du XXe siècle, est en train de modeler les relations internationales en favorisant l’interconnexion spatiale et temporelle de l’homme et la perméabilité entre les différents niveaux qui structurent les sociétés contemporaines : globale, internationale, supranationale, nationale et régionale.
À la fin des années 1990, un projet de loi a été présenté au Congrès national du Brésil afin d’établir le cadre réglementaire pour les TIC – technologie de l’information et de la communication –, notamment pour l’Internet. Cette initiative a vu le jour avec la prise de conscience de l’influence des TIC au cœur de la politique dans toute leur ambivalence, que ce soit à des fins démocratiques ou autoritaires. D’autre part, elle est née de la nécessité de réglementer l’Internet, en tant que vecteur de la mondialisation impliquant le dépassement des frontières à travers les relations virtuelles délocalisées.
En effet, compte tenu de l’impact important des TIC sur la démocratie, une institution pas seulement politique – l’administration électronique insérée dans l’idée de gouvernance –, mais aussi juridique a été nécessaire pour réglementer l’activité des acteurs, en prévoyant des droits et des responsabilités.
La loi 12.965 du 23 avril 2014 – MCI : Marco civil da internet – est considérée comme la « Constitution de l’Internet au Brésil ». Le texte, qui est une première, vise à réglementer les relations numériques et inspire la rédaction de textes législatifs en cours dans d’autres pays. Il est le résultat d’un intense débat public qui a impliqué à la fois le Parlement et le pouvoir exécutif, tout comme la société civile dans ses expressions multiples.
Le contenu de la loi démontre l’influence du droit international des droits de l’homme sur le droit interne. Cette perméabilité, comme on sait, caractérise le riche univers de l’internationalisation du droit. La Marco civil da internet vise à répondre aux défis de la mondialisation, à savoir la nécessité d’une réglementation des relations juridiques qui naissent des relations numériques.
I – UN CADRE POUR LES FONDEMENTS ET LES PRINCIPES
Les législateurs brésiliens, non sans affronter beaucoup de résistance, ont pris soin d’établir un cadre de fondements (1) et un cadre de principes (2) pour régir les relations du monde numérique.
1. Un cadre de fondements
La Marque civile de l’Internet (MCI : Marco civil da internet) présente un ensemble de principes fondamentaux qui doivent guider le travail du juriste dans sa mise en place du nouveau texte légal. En préambule et bien en évidence, la loi établit que le rôle de l’Internet au Brésil est fondé sur le respect de la liberté d’expression. Les sept fondements sont les suivants :
1.1. L’échelle mondiale du réseau
La reconnaissance mondiale du réseau doit être comprise en conjonction avec d’autres dispositifs de la loi, comme ceux de la neutralité et de la valeur sociale de l’Internet. En outre, une telle reconnaissance est marquée par les transformations profondes que cette « échelle mondiale » a causé dans la compréhension du temps et de l’espace. Ainsi, les expressions temporelles qui ont fait partie de l’évolution humaine et de sa relation avec le monde, telles que les temps d’attente, la lenteur, de même que son contraire, la vitesse, demandent une réinvention des relations en temps réel et hors de l’espace que les communications virtuelles supposent.
1.2 Respect des droits de l’homme
La Marque civile est engagée dans la défense des droits de l’homme, prévue à l’article 5 de la Constitution brésilienne, ainsi que par les cadres internationaux des droits de l’homme auxquels le Brésil est lié. Ce choix renforce et démontre la centralité des droits de l’homme dans le contexte du système normatif du pays.
En plus d’insister sur la protection des droits civils et politiques, le législateur a pris soin de veiller à la protection des droits sociaux. En effet, la partie finale de l’article 3 indique que l’Internet n’est pas seulement un dispositif technique à travers lequel les communications ont lieu ou une voie par laquelle les transactions commerciales connaissent une expansion remarquable, mais qu’il peut aussi constituer un vecteur de citoyenneté en développant les capacités de participation politique.
Bien sûr, la réalisation de ce droit dépend de la connaissance du fonctionnement du monde virtuel. Pour cela, des instruments organisés, clairs et structurellement adéquats devraient être créés pour permettre l’accès et la participation.
Ce cadre protecteur contraste avec les récentes violations des communications perpétrées par les États et les entreprises privées au nom de la sécurité. La surveillance, ainsi, s’institue elle-même comme une pratique de contrôle illimité sur l’Internet et acquiert par ailleurs un caractère « d’état de guerre 1 Frédéric Gros nous rappelle que l’une des racines de la guerre est la sécurité. Cette perception n’ignore pas certainement que les armes ne sont plus des chars et des canons, mais la concentration de l’expertise sur le fonctionnement des meilleures technologies de l’information et de la communication. Frédéric Gros, Le Principe sécurité, Paris, Gallimard, 2012.», dont l’existence est décidée unilatéralement par les États qui dépendent de l’appui de grandes entreprises dans le secteur de la technologie de l’information et de la communication. Par conséquent, la force de l’Internet susceptible de protéger les droits de l’homme peut vite se retourner contre les États dès lors qu’elle est mise au service des intérêts économiques et de la guerre. La notion de prégnance 2Cassirer est le créateur de l’expression « prégnance symbolique ». Pour l’expliquer, il a dit que la perception doit à elle-même l’organisation immanente, une sorte « d’articulation ». La prégnance symbolique refuse toute idée de faculté car c’est la relation qui commande la construction de la conscience. Ces idées peuvent être trouvées par une lecture attentive de Carole Maigné, Ernest Cassirer, Paris, Belin, 2013, p. 113-119. venant de Cassirer peut contribuer à penser Internet non pas uniquement du point de vue de la technique au service des intérêts économiques et politiques, mais aussi des « relations » qui facilitent la communication et l’information entre les personnes, comme facteur d’émancipation. En ce sens, il est nécessaire de développer la notion même de perméabilité informatique 3Cela doit être envisagé dès la large possibilité des changements et des interactions que le monde virtuel rend tout autant possible que dynamique, comme nous pouvons le voir à travers l’expansion des réseaux sociaux..
1.3. Pluralité
La Marque civile, en établissant la pluralité comme l’un des fondements du monde numérique, répète la teneur de l’article 1, V de la Constitution brésilienne dans la mesure où la pluralité doit être interprétée à l’aune du principe de la neutralité du réseau. L’extrême diversité et l’ouverture du monde numérique, d’autre part, sont susceptibles de fragiliser le fondement de l’exercice de la citoyenneté en raison de la fragmentation qu’elles impliquent. Il est donc nécessaire de prendre garde à ce risque : la pluralité, sans la construction de l’éthique de la coopération et d’un cadre de coopération impliquant tous les acteurs qui font usage du monde virtuel, peut s’amenuiser, voire disparaître.
1.4. La libre entreprise, la concurrence et la protection du consommateur
Compte tenu du fait que le monde numérique a changé le cadre des relations commerciales à travers la facilitation des transactions de commerce électronique et de nouvelles dispositions contractuelles, la MCI affirme la nécessité de la libre entreprise et de la concurrence, deux fondements de l’Internet qui concourent à la protection du consommateur. Le législateur a reproduit ce qui est déjà prévu à l’article 170 de la Constitution fédérale comme les principes de l’ordre économique et financier au Brésil.
La MCI, en établissant la protection du consommateur comme l’un des fondements de l’Internet au Brésil, dessine ce cadre de protection au chapitre II. La loi répète dans le contexte du numérique les dispositions liées à la protection du consommateur qui ont déjà été données par le CDC – Código de Defesa do Consumidor (loi 8078/90) –, cadre réglementaire que les études comparatives montrent être avancées en matière de protection du consommateur et de responsabilité des fournisseurs de produits ou de services.
1.5. Finalité sociale
L’évolution rapide des relations virtuelles, les processus continus d’innovation qu’elles présentent coexistent à travers les trois quarts de la planète, avec des inégalités brutales qui peuvent être le résultat d’un manque ou d’insuffisance à l’accès, deux facteurs qui font obstacle à l’exercice de la « citoyenneté numérique ». De ce point de vue, si d’un côté Internet est devenu un outil puissant de la participation sociale, il peut aussi conduire à l’autoritarisme quand l’environnement est dépourvu de démocratie et de moyens d’accès au monde numérique, risque qui demeure prégnant au Brésil. En insistant sur le but social du réseau, la MCI entend précisément promouvoir un milieu permettant l’articulation de mouvements pouvant à la fois mettre en question les fondements traditionnels du pouvoir politique et servir de « scène » aux modes originaux de connexion et de revendication 4Voir Manuel Castells, Redes de Indignación y esperanza. Los movimentos sociales en la era de internet, Madrid, Alianza Editorial, 2012, p. 65, 99 et 164. .
Ainsi, la loi 12.965/2014 renforce le fondement de la finalité sociale lorsqu’elle établit à l’article 4 les quatre objectifs à promouvoir et à atteindre, comme le droit d’accès pour tous à l’Internet (a) ; l’accès à l’information, la connaissance et la participation à la vie culturelle et aux thèmes publics (b) ; l’innovation et le développement à large diffusion des nouvelles technologies et des modèles d’utilisation et de l’accès (c) ; enfin l’adhésion aux normes ouvertes de la technologie qui permettent la communication, l’accessibilité et l’interopérabilité entre les applications et les bases de données (d).
2. Un cadre de principes
Les principes sont présentés dans l’article 3. Actuellement, on ne peut pas préciser si toutes les prévisions contenues dans ce dispositif peuvent être considérées comme principes du point de vue herméneutique 5Parce que les principes sont construits par les interprètes du droit. Dans ces principes, d’un point de vue dworkiniane, il y a un caractère transcendantal car chaque cas juridique concret compris et interprété produit toujours des principes. Tomaz Rafael Oliveira, Decisão judicial e o conceito de princípio. À hermenêutica e a (in)determinação do Direito, Porto Alegre, Livraria do Advogado, 2008, p. 217.. Nous pouvons affirmer cependant que l’ensemble légiféré représente effectivement une victoire pour le groupe qui défendait, pendant les travaux législatifs, la liberté et la pluralité de l’Internet. Le doute sur le caractère de quelques-unes des premières prévisions concernant l’article mentionné est dû à l’interprétation appropriée à donner au terme « principe ».
Il se trouve qu’il existe un caractère de transcendance dans les principes, justement parce que leur création ne dépend pas de la volonté soudaine et unilatérale du législateur, mais de la construction de la communauté d’interprètes du droit au fil du temps, basée sur des nouveaux faits de la vie. Évidemment, la discussion sur son adoption dans les forums et les espaces pertinents a conduit à un ensemble de « principes » légaux, certains étant déjà insérés dans les textes protecteurs des droits de l’homme. D’autres, plus sensibles, sont l’objet d’âpres débats, comme celui concernant la neutralité du réseau, et se construisent à partir de l’herméneutique du sens et des buts, non seulement de la technique, mais aussi et surtout des dimensions sociales et culturelles d’Internet.
2.1. La liberté d’expression, de communication et de manifestation de la pensée
La MCI, en protégeant la liberté d’expression, la communication et la manifestation de la pensée sur l’Internet, constitue une avancée inédite. La formule « liberté d’expression » apparaît cinq fois dans la loi (articles 2, 3, I, 8, 19, 19, § 2). L’importance accordée à ce principe suppose que le législateur brésilien ne peut admettre la censure. C’est le sens donné par la Constitution brésilienne de 1988. La MCI assure le droit de chacun à la liberté d’expression et que l’Internet soit, de fait et de droit, à la fois un milieu démocratique, libre et ouvert et qui préserve l’intimité de la vie privée.
Dans ce contexte, le changement significatif apporté par la loi est relatif à la non-disponibilité du contenu. Dans la période précédant son entrée en vigueur, il n’y avait en effet pas de règle claire sur les situations appropriées et la procédure. Avec la MCI, la production de contenu substantiel ne sera possible que par décision préalable de la justice. Cela veut dire que la loi offre aux utilisateurs un jugement préalable par un juge et non par un fournisseur d’accès qui pouvait agir unilatéralement en fonction de ses propres intérêts. Ce principe est renforcé à l’article 7, dans les sections I à III du chapitre II, qui traite des droits et des intérêts des utilisateurs, lesquels seront traités plus loin.
La loi résulte d’un « dialogue » entre le législateur brésilien et la Cour interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), dont la jurisprudence a affirmé que la protection et la promotion d’une large conception de liberté d’expression sont la pierre angulaire d’une société démocratique, considérée comme essentielle pour la formation de l’opinion publique 6Marcela I. Basterra, Derecho a la información vs. Derecho a la intimidad, Santa Fe, Rubinzal-Culzoni, 2012 (1re éd.)..
2.2. Protection de la vie privée
Assurer la protection de la confidentialité des communications est une innovation importante apportée par la MCI et une réalisation législative majeure dans le contexte juridique brésilien. Par exemple, jusqu’à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi, la protection du contenu des e-mails n’était pas garantie. Désormais, les communications privées qui ont cours par médias électroniques interposés ont commencé à recevoir la même protection prévue que celle concernant les médias traditionnels, tels que la correspondance et la communication téléphonique.
2.3. La protection des données personnelles, telle que prévue par la loi
La MCI assure également la protection des données personnelles. Cette garantie est développée dans la loi à l’article 7, VII, et explicite en quoi les fournisseurs ne peuvent pas fournir de données personnelles, enregistrements de connexion ou d’accès sans le consentement express, libre et informé de l’utilisateur. Ainsi, toute action visant à contraindre l’utilisateur à autoriser l’accès aux données et l’accès à la connexion, de même que la présomption que cette autorisation aurait été donnée par le silence, ne sera pas acceptée.
2.4. Neutralité
La prévision législative de garantie de neutralité de l’Internet a fait l’objet d’un débat intense et peut être considérée comme une victoire. Cependant, la difficulté consiste à préserver la neutralité du réseau lorsqu’on reconnaît la prédominance de la concurrence en tant que valeur fondamentale du capitalisme, qui n’est pas un produit naturel, mais bien « l’effet d’une politique délibérée 7Pierre Dardot, Christian Laval, Commun. Essai sur la révolution au XXIe Siècle, Paris, La Découverte, 2014, p. 12.» faisant partie de la structure du « cosmo-capitalisme » dans laquelle les services, les activités, les institutions et les durées de vie sont soumis à des rythmes d’une logique centrée sur l’accumulation de capital. Ainsi, la prévision de la liberté négociable, présente dans la loi, laisse ouverte la possibilité de contrôles compétitifs sur l’Internet par ceux qui détiennent le pouvoir économique et l’expertise technique. Dans ce domaine, l’intervention des États peut se montrer faible dans la mesure où ils ont eux-mêmes encouragé une politique de dérégulation en faveur des grandes entreprises de technologie, d’information et de communication.
Le principe de neutralité suppose que l’accès et l’usage de l’Internet doivent être égaux pour tous, quelles que soient les fonctions d’utilisation. Aussi la neutralité dans le système brésilien est-elle un principe et, en tant que tel, un droit des consommateurs.
2.5. Préservation de la stabilité, de la sécurité et de la fonctionnalité du réseau grâce à des mesures techniques conformes aux normes internationales et à l’encouragement à l’utilisation de bonnes pratiques
Cette disposition conduit le Brésil à exiger que les services des fournisseurs d’accès et des applications soient techniquement qualifiés, afin de mettre en confiance les utilisateurs. La compatibilité avec les normes internationales est liée à la nature de l’univers numérique dépourvu de frontières physiques, mais aussi à l’adoption de bonnes pratiques, ce qui est l’une des caractéristiques les plus significatives de la gouvernance.
2.6. La responsabilisation des agents en fonction de leurs activités, aux termes de la loi
L’une des questions les plus importantes actuellement est d’établir la responsabilité d’agents lorsqu’il s’agit de problèmes mondiaux. La MCI fait la distinction entre la responsabilité des fournisseurs d’accès et celle des fournisseurs d’application 8Il n’y a pas encore au Brésil un concept idéal ou clair pour l’expression « fournisseur d’applications », bien que la MCI le réfère à l’article 5-V. Cependant, on peut dire que : « Provedor d’aplicação Internet » (PAI) est un terme qui décrit n’importe quelle entreprise, l’organisateur ou la personne qui, de façon professionnelle ou pas, fournit un ensemble de fonctionnalités auxquelles on peut accéder par le biais de l’Internet dans n’importe quel but, qu’ils soient économiques ou autres.. En ce qui concerne la responsabilisation des agents pour les dommages causés par un tiers, la règle est l’irresponsabilité du premier et la responsabilité du second dans des situations particulières, comme on verra ci-dessous.
2.7. La préservation de la nature participative du réseau
La disposition prévoyant que l’Internet doit permettre la participation démocratique suppose la possibilité d’expression de plusieurs segments de la société et assure ainsi son caractère multiparticipatif, comme il est indiqué à l’article 24, I.
2.8. Liberté des modèles d’affaires sur Internet et conditions pour qu’ils n’entrent pas en conflit avec d’autres principes établis par la présente loi
Il s’agissait d’une modification apportée au texte initial de l’avant-projet de loi. Elle a incorporé les exigences des opérateurs de télécommunication au Brésil. « La liberté des modèles » des affaires promus sur Internet permettra la variation des taux selon le profil de consommation. Les entreprises, basées sur ce dispositif, peuvent offrir des abonnements différenciés, ainsi que des forfaits spécifiques en fonction de l’utilisation que les consommateurs font de l’Internet. Cependant, il est certain que cette possibilité doit être compatible avec l’ensemble présent dans les principes de la loi.
2.9. Ouverture et engagement au droit conventionnel
Le paragraphe unique de l’article 3 montre en quoi le Brésil met à l’ordre du jour le droit classique lorsqu’il dit que, au-delà des principes énoncés dans la MCI, d’autres provenant des traités internationaux auxquels le Brésil appartient peuvent être applicables.
II – CADRE DE DROITS ET GARANTIES DES UTILISATEURS, DES RESPONSABILITÉS DES AGENTS ET DU GARANT DU POUVOIR JUDICIAIRE
1. Droits et garanties des utilisateurs
Il existe une correspondance entre l’ensemble des droits garantis aux utilisateurs et les dispositions relatives à la responsabilité des fournisseurs. La loi met en évidence les treize droits des utilisateurs-consommateurs.
Elle renforce ainsi l’inviolabilité de la vie privée, qui est un principe constitutionnel, et prévoit une indemnisation pour dommage matériel et moral. Cette disposition est par ailleurs inscrite dans le code civil brésilien. Il n’existe pas d’incrimination pour des actes nuisibles commis sur Internet.
La loi assure aussi l’inviolabilité du secret du flux de communication des utilisateurs, sauf si une ordonnance du tribunal détermine l’information de données. Les principes de neutralité du réseau et de liberté d’expression supposent le droit pour les utilisateurs de ne pas avoir des services d’accès et d’application suspendus. La seule possibilité pour que cela se produise serait le défaut de paiement, situation qui n’est pas à l’abri de la critique en permettant l’auto-tutelle dans un système normatif riche en alternatives juridiques pour la collecte de la dette.
Pour sauvegarder les utilisateurs de quelque exaction commise par les opérateurs, le législateur a prévu qu’il ne serait pas possible de réduire la qualité des services contractuels. Il s’agit d’une interdiction recul en matière d’utilisation de l’Internet.
En accord avec les règles brésiliennes de protection des consommateurs, la MCI a rendu illégales les clauses contractuelles qui ne sont pas explicites.
L’obligation de respecter la vie privée des utilisateurs est renforcée par l’interdiction de fournir à des personnes morales ou privées les données personnelles, les inscriptions de connexion et d’application, sauf si cela a été librement consenti. Ainsi la présomption d’accord par le silence de l’utilisateur n’est-elle pas admise.
Il est également obligatoire pour les opérateurs d’informer clairement et complètement des conditions relatives à la collecte, l’utilisation, le traitement, le stockage et la protection des données. C’est, en réalité, une règle générale protectrice des droits des consommateurs déjà prévue au code de défense du consommateur (CDC).
Les politiques d’usage doivent être présentées d’une façon intelligible aux consommateurs qui, en plus, doivent trouver des conditions dans le monde virtuel qui puissent leur garantir la pleine accessibilité en fonction de leurs caractéristiques physiques motrices, perceptives, sensorielles, intellectuelles et mentales. Enfin, la loi 12.965 prévoit l’application du code de défense du consommateur quant aux pratiques de consommation qui ont lieu sur l’Internet.
Afin d’étayer les bonnes pratiques, les dispositions de l’article 7 sont renforcées par le texte de l’article 8 dans la mesure où la pleine garantie du droit à la protection de l’intimité et de la liberté d’expression dans les communications constitue la condition préalable pour une bonne gouvernance de l’Internet.
Le législateur prévoit aussi la nullité de quelques clauses contractuelles qui vont à l’encontre de l’inviolabilité et du secret des communications privées sur Internet ou qui ne permettent pas le recours à la justice brésilienne pour le règlement des litiges.
Le contournement du système judiciaire est inconstitutionnel, selon l’article 5, XXXV de la Constitution. Ce dispositif doit être interprété avec l’article 88 du code de procédure civile, qui établit la compétence concourante de la juridiction brésilienne en matière contractuelle et de réparation des dommages lors d’événements produits au Brésil. C’est la vis atractiva du système de justice, ce qui n’est pas sans déplaire aux entreprises transnationales qui opèrent au Brésil.
2. Responsabilité des agents de connexion et d’application
2.1. Respecter la neutralité du réseau
La loi dispose que les paquets de données doivent être traités de manière isonomique par les responsables techniques au moyen de la transmission, la commutation et le routage. Aucune distinction de contenu, d’origine et de destination, de service, de terminal ou d’application ne pourra être faite. Ainsi, les services en ligne et autres applications ne doivent pas voir leur vitesse limitée ou déterminée par le fournisseur.
Néanmoins, si quelque discrimination ou dégradation de trafic doit être faite, cela dépendra de la réglementation du président de la République, selon son attribution à l’article 84, IV, de la Constitution. Il ne s’agirait pas d’une action présidentielle unilatérale, mais d’une action multilatérale comprenant en outre le Comité de gestion de l’Internet et de l’Agence nationale de télécommunication de l’Internet.
D’autre part, la MCI limite les actions liées à la discrimination et à la dégradation. Elles doivent être basées sur les exigences techniques indispensables à la bonne prestation de services et/ou des priorités des services d’urgence.
Le responsable doit éviter de causer des dommages à l’utilisateur, agir selon la proportionnalité, la transparence et l’égalité, informer d’abord des actions relatives à la discrimination et à la dégradation, offrir des services conformément aux conditions commerciales non discriminatoires et ne pas nuire à la concurrence loyale.
2.2 Assurer la protection des documents, des données personnelles et des communications privées
Au nom des principes de l’intimité, de la vie privée, de l’honneur et de l’image, la loi impose aux fournisseurs une responsabilité en les enjoignant de conserver les enregistrements de connexion et l’accès aux applications. Le responsable de cette conservation des données peut être tenu de les divulguer par ordonnance du tribunal.
De même, le contenu de communications privées peut être fourni sur ordonnance du tribunal, en vertu de l’article 7º, II et III de la loi.
Cette limitation ne s’étend pas aux autorités administratives qui, si elles en ont besoin, ont la compétence juridique pour demander des informations sur des données cadastrales.
De plus, la MCI a pris soin d’inscrire dans la loi la protection des données personnelles, le secret des communications et des inscriptions privées, quel qu’en soit l’acteur, dès lors qu’au moins une action a eu lieu sur le territoire national, comme celui de la collecte, du stockage, du traitement et de la conservation des enregistrements de données personnelles ou des communications par les fournisseurs de connexion ou d’application.
En ce sens, la loi est applicable aux personnes juridiques domiciliées à l’étranger ou qui font partie du groupe économique dans lequel au moins une entreprise de ce groupe réside au Brésil et offre des services à la population brésilienne.
En cas de violation des devoirs mentionnés ci-dessus, la MCI prévoit des sanctions à des degrés divers. La mesure pédagogique tout d’abord, qui consiste en un avertissement donnant lieu à une période pour adopter des mesures correctives. L’amende ensuite, qui peut atteindre jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires du dernier exercice comptable du groupe économique au Brésil . En revanche, la loi ne précise pas le taux de l’amende lorsque la violation a été faite par une entreprise ne faisant pas partie d’un groupe. Enfin, la suspension peut être imposée, ainsi que l’interdiction de la pratique des activités prévues à l’article 11.
Cette disposition de peines aux auteurs de violation de la loi est considérée comme l’une des innovations de la MCI par rapport aux autres lois déjà existantes dans d’autres pays.
2.2.1 Garde des enregistrements de connexion
La loi établit l’obligation pour le prestataire de maintenir les enregistrements de connexion au secret pendant un an, sachant que la police et le pouvoir judiciaire peuvent accorder un délai supplémentaire. Pour que ce privilège ne soit pas détourné, dans les soixante jours qui suivent la demande des autorités mentionnées, il faut réclamer une autorisation judiciaire pour accéder aux documents. L’accès à ces dossiers dépend donc de l’autorisation judiciaire, ce qui démontre la prévalence de celle-ci dans la gouvernance de l’Internet au Brésil.
2.2.2 Stockage d’enregistrement d’accès aux applications à la provision (ou fourniture) d’accès de connexion
La loi interdit la conservation des enregistrements d’accès aux applications sur Internet.
La loi impose au fournisseur de conserver pour une durée de six mois les enregistrements d’accès aux applications, en sécurité et dans un environnement contrôlé.
Les autorités et le ministère public peuvent demander que les enregistrements soient conservés pendant une période supérieure à six mois. Mais en toute hypothèse, la disponibilité des enregistrements doit être précédée d’une ordonnance du tribunal, confirmant toujours la prévalence du pouvoir judiciaire en matière de régulation de l’Internet.
La loi protège aussi l’utilisateur lorsqu’elle interdit les enregistrements d’application sur Internet qui n’ont pas fait l’objet d’un consentement de la part de l’utilisateur.
2.2. Responsabilité pour les dommages commis par un tiers
Il existe deux distinctions faites par la loi. La première spécifie que le fournisseur de l’accès n’est pas responsable des contenus créés par un tiers.
La seconde, par rapport au fournisseur de l’application, prévoit, en principe, son irresponsabilité. Mais après une ordonnance du tribunal spécifique, s’il n’obéit pas aux déterminations concernant le contenu et le délai pour rendre indisponible le contenu publié, le fournisseur deviendrait de facto responsable.
Cependant, l’article 21 prévoit l’hypothèse d’une responsabilité subsidiaire, indépendamment de l’existence d’une ordonnance du tribunal, s’il y a divulgation sans l’assentiment des participants de vidéos ou d’images dont le fournisseur permet techniquement la diffusion.
S’il ne s’agit pas de ce dernier cas, le législateur a prévu que l’ordonnance du tribunal doit être claire et précise sur le contenu qui doit être rendu indisponible, sous peine de nullité. Toutefois, le législateur a oublié que dans le système juridique brésilien il n’y a pas de nullités de procédure in abstrat. Son décret découle d’un acte judiciaire tangible. Dans ce cas, le législateur ne dit pas qui a la compétence pour rendre une telle décision, le juge lui-même ou le tribunal compétent ?
L’article 19 attribue aux juizados especiais (juges spéciaux) de juger les litiges relatifs à l’indisponibilité des contenus. Le législateur fait référénce aux juizados especiais cívei avec la loi 9099/95, compétents pour juger les causes jusqu’à quarante fois le montant du salaire, dont le processus est guidé par la simplicité, la rapidité et l’oralité. On peut imaginer qu’à l’avenir seront créés des juizados especiais spécifiques pour régler les litiges concernant l’Internet, en raison du volume potentiel de la demande judiciaire que le texte légal lui-même favorise. D’autre part, du point de vue de l’utilisateur responsable de l’insertion de contenus qui peuvent occasionner des dommages, la loi a prévu le devoir du fournisseur d’applications d’informer l’utilisateur sur les motifs de l’interdiction des données avec des informations qui assurent le contradictoire dans le procès judiciaire. Et, si l’utilisateur en fait la demande, le fournisseur d’applications sera obligé de rendre indisponible le contenu en vertu de l’ordonnance judiciaire.
2.3. La prévalence du pouvoir judiciaire
L’enregistrement d’accès ou d’application peut être considéré comme élément de preuve dans un procès. L’accès à ces preuves doit néanmoins être demandé au pouvoir judiciaire, et non directement aux fournisseurs. Pour bien protéger la liberté d’expression, l’auteur de la demande doit préciser la période à laquelle se rapportent les enregistrements et doit signifier qu’ils constituent des preuves solides de crimes nécessaires à l’enquête ou à l’instruction probatoire.
L’article 30 présente une importante référence qui prévoit la possibilité de demandes individuelles et collectives devant le pouvoir judiciaire. Le système brésilien de protection des consommateurs prévoit par ailleurs l’hypothèse de traitement de recours collectif à la demande des consommateurs. Il est très probable que ce système est une référence aux exigences prévues par la MCI.
2.4. La prévalence du pouvoir judiciaire et la gouvernance
Le Brésil est une fédération. La MCI, dès lors, établit des lignes directrices pour les trois niveaux de gouvernement – l’Union fédérale, les Etats-membres et les communes – en vue de développer la communication virtuelle. Tout d’abord, une gouvernance multiparticipative, transparente, collaborative et démocratique est mise en place. Elle est multiparticipative parce qu’elle ouvre des possibilités d’action aux entités publiques, au secteur des entreprises, à la société civile et à la communauté universitaire. Cette caractéristique de la gestion de l’Internet au Brésil s’est constituée comme l’une de ses particularités majeures.
La gestion, l’expansion et l’utilisation de l’Internet dans le pays doivent également être considérées avec la participation du CGI , parce qu’il a, parmi ses attributions, celle d’établir des directives stratégiques liées à l’utilisation et au développement de l’Internet, comme le prévoit l’article 1 du décret 4829/2003 qui l’a créé.
L’interopérabilité technologique de services e-gouvernementaux est un moyen important pour mettre en œuvre cette gouvernance Internet sur le territoire national et en permettre l’accès à l’ensemble des citoyens. Pour cela, l’adaptation des technologies aux standards et aux formats ouverts et libres, ainsi que la diffusion des données et de l’information vont contribuer à l’amélioration de la gouvernance numérique.
Conclusion
Le développement des programmes et des actions de l’État, visant à optimiser la capacité d’utilisation de l’Internet, va sans doute contribuer à la réalisation d’une autre politique, celle de la promotion de la culture et de la citoyenneté à travers l’Internet. Dès lors, elle n’est pas considérée comme risque ou menace, mais comme promotrice des droits individuels et sociaux.
Cette reconnaissance se reflète dans les articles 26 et 27 de la loi. Dans le premier, le législateur souligne le devoir constitutionnel de l’État de promouvoir l’éducation et considère l’utilisation responsable de l’Internet comme un outil important pour la citoyenneté, la culture et le développement technologique. Le second complète le premier et prévoit que des initiatives publiques vont développer la culture numérique comme moyen d’inclusion, visant à réduire les inégalités régionales en matière d’accès aux technologies de l’information et de la communication, mais aussi à faciliter la production et la circulation de contenu national.
L’État brésilien sera régulièrement tenu de fixer des objectifs, des programmes et des études sur le développement de l’Internet au Brésil.
Réferences
↑ 1 | Frédéric Gros nous rappelle que l’une des racines de la guerre est la sécurité. Cette perception n’ignore pas certainement que les armes ne sont plus des chars et des canons, mais la concentration de l’expertise sur le fonctionnement des meilleures technologies de l’information et de la communication. Frédéric Gros, Le Principe sécurité, Paris, Gallimard, 2012. |
↑ 2 | Cassirer est le créateur de l’expression « prégnance symbolique ». Pour l’expliquer, il a dit que la perception doit à elle-même l’organisation immanente, une sorte « d’articulation ». La prégnance symbolique refuse toute idée de faculté car c’est la relation qui commande la construction de la conscience. Ces idées peuvent être trouvées par une lecture attentive de Carole Maigné, Ernest Cassirer, Paris, Belin, 2013, p. 113-119. |
↑ 3 | Cela doit être envisagé dès la large possibilité des changements et des interactions que le monde virtuel rend tout autant possible que dynamique, comme nous pouvons le voir à travers l’expansion des réseaux sociaux. |
↑ 4 | Voir Manuel Castells, Redes de Indignación y esperanza. Los movimentos sociales en la era de internet, Madrid, Alianza Editorial, 2012, p. 65, 99 et 164. |
↑ 5 | Parce que les principes sont construits par les interprètes du droit. Dans ces principes, d’un point de vue dworkiniane, il y a un caractère transcendantal car chaque cas juridique concret compris et interprété produit toujours des principes. Tomaz Rafael Oliveira, Decisão judicial e o conceito de princípio. À hermenêutica e a (in)determinação do Direito, Porto Alegre, Livraria do Advogado, 2008, p. 217. |
↑ 6 | Marcela I. Basterra, Derecho a la información vs. Derecho a la intimidad, Santa Fe, Rubinzal-Culzoni, 2012 (1re éd.). |
↑ 7 | Pierre Dardot, Christian Laval, Commun. Essai sur la révolution au XXIe Siècle, Paris, La Découverte, 2014, p. 12. |
↑ 8 | Il n’y a pas encore au Brésil un concept idéal ou clair pour l’expression « fournisseur d’applications », bien que la MCI le réfère à l’article 5-V. Cependant, on peut dire que : « Provedor d’aplicação Internet » (PAI) est un terme qui décrit n’importe quelle entreprise, l’organisateur ou la personne qui, de façon professionnelle ou pas, fournit un ensemble de fonctionnalités auxquelles on peut accéder par le biais de l’Internet dans n’importe quel but, qu’ils soient économiques ou autres. |