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Le 19 mai 2015, 1er vice-président de la Commission européenne chargé de l’Amélioration de la législation, des Relations inter-institutionnelles, de l’État de droit et de la Charte des droits fondamentaux,  Frans Timmermans, a présenté le « Programme pour une meilleure réglementation: renforcer la transparence et l’examen des initiatives de l’UE pour mieux légiférer ». Les objectifs affichés par la Commission sont la réduction des doublons législatifs et la simplification des règles existantes ou à venir. Selon cette feuille de route, Commission, Parlement, et Conseil devront dorénavant « se contenter du strict minimum et s’adapter aux évolutions technologiques. ».

Frans Timmermans a annoncé quatre injonctions relatives à la méthode de travail des institutions de l’Union Européenne.

  1. L’augmentation du recours aux études d’impact à tous les stades du processus législatif, et ce même en cas de modification substantielle d’une loi déjà en place. 

«Nous devons procéder à une analyse rigoureuse des incidences de la législation en cours d’élaboration, et notamment de toute modification substantielle apportée au cours du processus législatif, de sorte que les décisions politiques soient prises en connaissance de cause et sur la base d’éléments concrets. Si la tendance naturelle des responsables politiques est de se concentrer sur de nouvelles initiatives, il nous faut cependant accorder au moins autant d’attention au réexamen de la législation existante afin de déterminer ce qui peut être amélioré ou simplifié. Nous devons être honnêtes sur les mesures qui sont efficaces et sur celles qui ne fonctionnent pas» affirme le Premier Vice-Président de la Commission. Pour se prémunir de toute critique d’intervention superflue ou de résultats non-conformes aux attentes, Bruxelles entend miser sur la multiplication des études d’impact. Commandées jusqu’alors pour la seule élaboration des normes, la Commission entend les étendre à toute modification, que ce soit par le Parlement lors du processus législatif, ou par les Etats lors des transpositions nationales. En outre, dans leurs mesures de transpositions et d’application de législations européennes, ou dans leur communication publique, les Etats membres seront contraints à une « distinction claire » entre ce qui sera décidé à Bruxelles et ce qui sera ajouté au niveau national, régional, ou local. Tout ajout de « contraintes » supplémentaires aux textes originels européens devra être motivé, et son impact évalué indépendamment. En France, l’ancien secrétaire d’État à la simplification, Thierry Mandon, a promis un changement d’approche radical, « la surtransposition des directives étant un sport national », a t-il concédé ([ii]) .

En revanche, les doutes et craintes des eurosceptiques (partis de gauche, ONG, syndicats..) ont rapidement été exprimés. En effet, cela n’est pas sans soulever la question de l’équilibre entre choix politiques et choix d’experts et plus largement entre démocratie et technocratie. L’allongement des délais de la procédure législative est également une conséquence probable de ce changement. Anticipant ces réactions M. Timmermans a tenu à préciser que «le programme pour une meilleure réglementation ne contient aucun élément susceptible de ralentir la Commission et d’empêcher que des décisions politiques soient prises rapidement lorsque nécessaire». Lorsqu’on lui demande si ces mesures sont de nature à conférer davantage de pouvoir à la Commission, il répond : « Toutes les mesures présentées aujourd’hui respectent pleinement les prérogatives des colégislateurs au Parlement européen et au Conseil. Celles-ci sont clairement définies dans les traités et la Commission ne cherche pas à les modifier. En ce qui concerne plus spécifiquement l’analyse de l’impact des modifications substantielles apportées par les colégislateurs, la Commission ne cherche pas à réduire la marge de manœuvre politique du Parlement ou du Conseil. Elle demande simplement à ces derniers d’examiner l’impact de toutes les modifications substantielles qu’ils proposent. La Commission est disposée à soutenir les travaux d’analyse d’impact réalisés par les autres institutions, qui conservent une entière autonomie quant à la façon de les organiser. ».

Entre 2007 et 2014, la Commission européenne a produit plus de 700 analyses d’impact. Sur la même période, le Parlement a analysé l’impact d’une vingtaine de modifications, le Conseil n’en a analysé aucune. L’amélioration de la règlementation ne pouvant porter ses fruits que si elle émane d’un engagement conjoint de la Commission, du Parlement, et du Conseil, la Commission a soumis cette proposition à un accord interinstitutionnel qui devrait être ratifié avant la fin de l’année 2015.

  1. La réforme du Comité d’analyse d’Impact (CAI)

La Commission va elle-même réformer son mécanisme d’évaluation. Le « comité d’analyse d’impact », en place depuis 2006, sera transformé en un «  Comité indépendant d’examen de la règlementation. », dont la moitié des membres sera recrutée en dehors de la Commission, afin d’augmenter son indépendance. Cet organisme aura le double rôle de contrôle de la qualité des analyses d’impact des nouvelles propositions ainsi que la réalisation de bilans de qualité et d’évaluations de la législation existante, dans un but de simplification.

  1. Un accroissement de la transparence et une extension de la consultation lors du processus décisionnel

Afin d’améliorer le dialogue avec la société civile, la Commission souhaite davantage de transparence et de consultation, notamment dans l’élaboration des politiques publiques. Le public pourra ainsi examiner les initiatives proposées et y apporter sa contribution. A cet égard, Monsieur Timmermans a annoncé la création d’un portail internet à destination des citoyens, des entreprises, des ONG, des lobby ou quiconque souhaitant faire part des problèmes qu’ils rencontrent avec la législation en vigueur et proposer des modifications. Les services de la Commission s’engagent à  répondre à chacune des sollicitations. Durant les huit semaines suivant la présentation officielle d’une directive, toute partie prenante ou citoyen pourra ainsi envoyer ses remarques à la Commission européenne qui les compilera. Par la suite, elle les portera à la connaissance du Parlement et du Conseil pour qu’ils les prennent en compte dans leur réflexion.

Par ailleurs, le programme traite également de la gestion «la législation secondaire» qui regroupe ce qu’on appelle les actes délégués ou actes d’exécution, l’équivalent des décrets en France. Pour accentuer la transparence des décisions, la Commission mettra en ligne ses projets d’actes délégués jugés importants pendant une durée de quatre semaines.  Ils ne seront adoptés qu’après avoir pris en compte les commentaires qui auront été reçus durant ce laps de temps. Des études d’impact pourront aussi être commandées. Les cabinets de lobbys se félicitent déjà de cette avancée. Actuellement, ils ont en effet beaucoup de difficultés à exercer une influence sur les actes délégués ou d’exécution du fait de l’opacité et la complexité de leur procédure d’adoption. Cette réforme va leur permettre d’agir plus aisément.

  1. Une nouvelle impulsion à la procédure de « REFIT » 

Le « programme pour une réglementation affûtée et performante » («Regulatory fitness and performance programme», REFIT en anglais) a été adopté par la Commission européenne sous la présidence de José Manuel Barroso [i]. Son objectif est de passer en revue la législation existante pour la simplifier ou supprimer ce qui n’est plus nécessaire. Les résultats sont à ce jour mitigés. La Commission entend renforcer le programme REFIT de façon à le rendre davantage « ciblé sur les sources les plus graves d’inefficience et sur les charges inutiles » et plus inclusif . Pour cela, une nouvelle plate-forme des parties prenantes va être lancée. Elle réunira des experts de haut niveau issus d’entreprises, de la société civile, des partenaires sociaux, du Comité économique et social européen, du Comité des régions et des États membres. Ils seront choisis après une procédure de recrutement public (aucun salaire ne leur sera versé, seulement des remboursements de frais). La décision finale reviendra à Frans Timmermans. La plateforme recueillera des propositions de terrain pour diminuer les charges règlementaires et administratives et permettra de vérifier si les « fardeaux » administratifs ne viennent pas d’une sur-règlementation liée à la manière dont les lois ont été transposées par les Parlements nationaux.

Pour que ces mesures deviennent effectives, la validation par le Parlement et le Conseil est nécessaire. Frans Timmermans espère un accord avec les deux institutions avant la fin de l’année 2015. La procédure de recrutement des membres externes du comité d’examen de la réglementation et de la plateforme REFIT est lancée dès ce mois de juin 2015. La mise à jour des plateformes en ligne et la création de nouveaux sites internet seront achevées d’ici la fin de l’année.

[i] http://europa.eu/rapid/press-release_IP-13-891_fr.htm

[ii] https://www.contexte.com/article/simplification-legislative-et-administrative/la-simplification-renvoie-leurope-a-ses-propres-demons_29159.html

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À propos de l'auteur

Elodie Poncet

De formation initiale en économie et droit, Elodie Poncet participe au programme Conventions depuis 2012, en tant que secrétaire éditoriale. Elle s'intéresse particulièrement aux questions relatives au numérique, à la monnaie, et au domaine bancaire.