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Renaud Beauchard est avocat. Il a travaillé deux ans au Bureau d’évaluation et de suspension à la Banque mondiale , à titre de consultant, sur les questions de lutte contre la corruption. M. Beauchard est également consultant pour le Millennium Challenge Corporation, auquel il prête son concours afin de renforcer l’État de droit au Bénin.

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Faut-il évaluer les systèmes juridiques ? Cette question a fait couler beaucoup d’encre en France depuis la publication du premier rapport Doing Business de l’International Finance Corporation en 2004, lequel se présente comme un outil de « mesure objective de la réglementation des affaires et de son application1« The Doing Business Project provides objective measures of business regulations and their enforcement », http://www.doingbusiness.org/about-us. ». La question devient si vite si passionnée, néanmoins, que les jugements « pour » ou « contre » l’emportent souvent sur l’analyse.

Pour nombre d’auteurs, l’évaluation et le classement de systèmes juridiques seraient le symptôme d’une généralisation de l’analyse économique du droit et la conséquence d’une application du darwinisme normatif cher à Hayek : une vision dans laquelle le droit serait un produit en compétition à l’échelle de la planète, permettant ainsi à des « consommateurs de droit » de faire leur sélection sur le marché des normes2Cf. Alain Supiot, L’Esprit de Philadelphie. La justice sociale face au marché total, Paris, Seuil, 2010, p. 64 et sq.. Une autre partie de la doctrine, en réaction à Doing Business, s’est focalisée plutôt sur une micro-analyse de la méthodologie qui y était utilisée, tout en faisant un éloge appuyé de la tradition napoléonienne3Cf. les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports Doing Business de la Banque mondiale, Association Capitant, http://mja-paris2.webs.com/Les_droits_de_tradition_civiliste_en_question.pdf.. Or, ces deux types de critique, non sans pertinence, visent avant tout le mouvement des origines légales4La thèse la plus controversée du mouvement des origines légales est que la Common Law nonoffrirait un meilleur cadre juridique que la tradition continentale pour favoriser le développement économique., une influence majeure – quoique non assumée – sur la conception de Doing Business. Elles ne rendent pas compte de l’ensemble et de la complexité des évolutions qui ont progressivement fait le succès de l’économétrie des systèmes juridiques. Il faut pour y voir plus clair se pencher sur les fondements théoriques de l’évaluation des systèmes juridiques, laquelle entretient d’étroits rapports avec des mouvements américains successifs et disparates relativement méconnus en France. Il est nécessaire enfin examiner leur postulat de départ, que le droit serait un facteur de développement économique.

La création de l’indice Doing Business survient en effet à une étape déjà avancée dans l’évaluation des systèmes juridiques. À l’origine, il n’était question que d’évaluer l’action des bailleurs de fonds institutionnels dans le domaine de la gouvernance, en premier lieu de la Banque mondiale, et de leur fournir des outils empiriques permettant d’adapter leur action. Mais, dans le cadre de ces travaux, on a progressivement érigé en paradigme un lien de causalité – alors qu’il conviendrait de parler de corrélation – entre le droit et le développement économique ; les initiatives visant à évaluer l’action des bailleurs institutionnels dans le domaine de la justice sont alors sorties de leurs modestes, mais légitimes, ambitions initiales pour fonder une nouvelle forme de calculabilité, qui prétend formuler les ressorts juridiques universels de la croissance économique et ainsi encourager une concurrence vertueuse entre les systèmes juridiques en s’adressant directement aux investisseurs.

La présente note a donc un double objet : refaire la généalogie de la façon dont ce paradigme s’est affirmé progressivement, afin d’en interroger les limites théoriques et les impasses sur le terrain.

L’effet du droit sur le développement économique : du courant Law and Development à la promotion du Rule of Law

Existe-t-il un lien entre les règles et les institutions juridiques et le développement économique ? Depuis la Seconde Guerre mondiale, les agences internationales de développement ont voulu à tout prix répondre par l’affirmative à cette question, avec une détermination qui transcende les clivages idéologiques.

Le courant Law and Development

Dans les années qui ont suivi la décolonisation, alors que la rivalité des grandes puissances quittait la scène européenne pour se localiser au Sud, l’agence américaine pour le développement international (USAID), la fondation Ford et d’autres institutions américaines ont voulu voir le parfait rempart au prophétisme soviétique dans la « théorie de la modernisation », émanant d’un groupe de sociologues américains conduit par Talcott Parsons, laquelle faisait de l’Histoire une marche vers la modernité libérale des nations avancées.

La modernisation, se voulant à la fois économique et politique, comporte alors quatre principaux axes :

  • développement d’appareils bureaucratiques étatiques ;
  • installation d’économies fondées sur le capitalisme ;
  • construction de systèmes juridiques à vocation universelle ;
  • promotion de la démocratie.

Au-delà de l’intervention centrée sur les institutions judiciaires, la modernisation du droit, devenant ainsi lui-même un objet de développement, était perçue comme consubstantielle des aspects politiques et économiques et fondée sur l’idée qu’une économie de marché, une bureaucratie wébérienne et un gouvernement démocratique devaient avoir une fondation juridique5Lawrence Friedman, « On Legal Development », Rutgers Law Review, 24, 1969, p. 11, 52-53.. Rappelons à cet égard que les architectes de ce que l’on a appelé par la suite le mouvement Law and Development étaient très imprégnés tout à la fois par le constitutionalisme américain, pour qui la loi doit être mise au-dessus des hommes et la production et l’application du droit doivent obéir à des processus présentant certaines qualités procédurales ; et par un réalisme juridique alors très empreint de sociologie, plus que d’économie. Inscrits dans ce sillage historique et doctrinal, les acteurs institutionnels du mouvement Law and Development et leurs inspirateurs universitaires avaient donc fait du droit l’un des axes principaux des stratégies de développement, sa principale fonction étant de fonder « l’ingénierie des changements sociaux et économiques nécessaires pour atteindre les buts du développement6Robert Allen Sedler, « Law Reform in the Emerging Nations of Sub-Saharan Africa : Social Change and the Development of the Modern Legal System », 13 St. Louis L. J., 1968, p. 195, 199. La référence à l’ingénierie sociale rappelle que la politique économique américaine d’alors était keynésienne et au diapason de la régulation et de la puissance de l’état. ».

Mais comme pour le modèle concurrent, le passage de la théorie à la pratique s’est avéré plus difficile que prévu. L’objectif d’ingénierie sociale et d’inculquer une culture universelle du droit a très vite cédé le pas à la facilité des greffes d’institutions juridiques occidentales : constitutions, codes, organisation des professions juridiques, enseignement du droit, etc.

On connaît la suite : le contexte de la guerre froide aidant, les objectifs de modernisation et de contenir la contagion soviétique se sont télescopés. Les élites ont été cooptées et, au lieu de leur inculquer une culture du droit, l’action des bailleurs institutionnels, obnubilés par la nécessité de réformer des types de relations sociales immémoriales en rupture avec la modernité7Assimilée à la transposition du modèle américain., a contribué à leur conférer le monopole de la production du droit. Une corruption endémique s’est emparée d’institutions judiciaires dysfonctionnelles et sous tutelle de l’exécutif, et les beaux codes hérités de l’Occident ont été réduits dans leur substance au poids du papier ayant servi à leur impression8Cf. en particulier Friedman, op. cit., p. 47 et sq..

Dès la fin des années 1960, le paradigme de la modernisation était complètement remis en cause, son avis de décès officiel ayant été dressé au milieu de la décennie suivante9John Henry Merryman, « Comparative Law and Social Change. On the Origins, Style, Decline and Revival of the Law and Development Movement », American Journal of Comparative Law, vol. 25, 1977, p. 457. Merryman attribuait la cause de l’échec à l’obstination de vouloir à tout prix exporter le « style juridique » américain..

Comme pour les échecs constatés à propos des stratégies économiques et politiques, beaucoup ont expliqué ces échecs par le manque d’une culture du droit, c’est-à-dire de respect du droit et d’obéissance à la loi10Friedman, op. cit., p. 61.. Un des architectes du mouvement Law and Development a même parlé de « principe de non-transférabilité du droit11Robert B. Seidman, The State, Law and Development, New York, St. Martin’s Press, 1978, p. 34. ». Ces leçons sont très importantes pour comprendre la seconde vague d’action des bailleurs de fonds institutionnels, amorcée autour de la chute du rideau de fer.

La révolution de la gouvernance et la promotion du Rule of Law

En 1989, le mur de Berlin s’effondrait. Avec lui se manifestaient de nouvelles occasions de tester à l’échelle internationale le menu de réformes de la nouvelle « gouvernementalité » néolibérale, qui renversait l’ordre des valeurs et privilégiait la construction d’une économie capitaliste mondialisée et d’une société civile globale sur la promotion de la démocratie à l’échelle des états nations.

Tandis que les démocraties populaires tombaient les unes après les autres, une autre révolution se jouait dans l’atmosphère plus confinée de la Banque mondiale, et plus particulièrement au sein de son tout-puissant département juridique, alors dirigé par Ibrahim Shihata. Ce dernier s’inquiétait que les pratiques de gouvernance observées dans les pays recevant des prêts de la Banque mondiale n’aboutissent à une mauvaise utilisation des fonds prêtés. Cependant, les statuts de la Banque mondiale prévoient que la Banque et ses représentants ne doivent en aucune façon interférer dans les affaires politiques des états membres, ni ne doivent être influencés dans leurs décisions par la nature politique du ou des membres concernés12Statuts de la Banque internationale de reconstruction et de développement, art. IV, section 10..

Shihata a dépassé l’objection en émettant une opinion selon laquelle les projets financés par la Banque mondiale peuvent inclure toutes les finalités productives bien définies, qu’elles soient directes (industrie, agriculture) ou indirectes (infrastructures, institution building, services sociaux, etc.)13Cf. Robert C. Effros, « The World bank in a Changing World : the Role of Legal Construction », The International Lawyer, vol. 35, p. 1341, 2001.. La référence au institution building séparait la gouvernance – qu’il définissait en termes généraux comme relevant des questions de bon ordre et en termes plus spécifiques comme relevant de la Rule of Law14Que Shihata définissait comme « un système de règles abstraites effectivement appliquées et des institutions formelles garantissant l’application de ces règles », ibid. –de la politique et l’identifiait comme un secteur dans lequel la Banque pouvait consentir des prêts. Pour Shihata, ces fondamentaux constituaient une assise juridique pour assurer stabilité sociale et croissance économique et devait être une condition préalable à l’usage effectif de fonds de la Banque mondiale15Ibid..

Cette position faisait écho, en les simplifiant à l’excès, aux thèses de l’école néo-institutionnaliste emmenée par Douglass North, qui postule que la courbe du développement économique ne peut être comprise que grâce à l’origine et l’évolution des institutions. Par institutions, North entend les règles du jeu, formelles (lois, constitutions, droits de propriétés) ou informelles (sanctions, interdits, codes de conduites, coutumes et traditions)16Douglass North, Institutions, Institutional Change and Economic Performance, New York, Cambridge University Press, 1990, p. 4-6..

La position de Shihata a été affinée au fil des ans et trouve sa meilleure expression dans l’étude intitulée « Governance Matters », qui devait donner naissance aux Worldwide Governance Indicators (WGI), fruit d’un partenariat entre la Banque mondiale et le think tank Brookings, et dont l’ambition affichée était d’étudier les rapports entre gouvernance et développement17Daniel Kauffmann, Aart Kraay, Pablo Zoido-Lobatón, « Governance Matters », World Bank Policy Research Working Paper, no 2196, 1999, disponible à l’adresse http://info.worldbank.org/governance/wgi/resources.htm..

Plus encore que Doing Business, cet indicateur, qui mesure des paramètres aussi disparates que la participation des citoyens à la vie publique, la stabilité politique, l’efficacité gouvernementale et celle de la lutte contre la corruption, constitue le pas décisif vers l’évaluation des systèmes juridiques. Il mesure en effet les obstacles d’origine réglementaire au marché et à la Rule of Law, comprise comme la confiance dans les règles organisant la vie en société : la sécurité des biens et des personnes, l’efficience et la prévisibilité des institutions ayant pour but de rendre la justice, et l’exécution des contrats18Pour une critique particulièrement pertinente de cet indicateur, cf. Melissa Thomas, « What Do the Worldwide Governance Indicators Measure ? », European Journal of Development Research, no 22, 2010, p. 31-54..

Or, au travers de l’énoncé des paramètres concernant la Rule of Law, on perçoit bien la difficulté de définir le concept même.

Les économistes se réfèrent à la Rule of Law pour caractériser les sociétés où les droits de propriété sont protégés et où les engagements contractuels sont respectés19Cf. Yoram Barzel, Economic Analysis of Property Rights, cité dans Francis Fukuyama, The Origins of Political Order, New York, Farar, Straus & Giroux, 2011, p. 248.. Mais Francis Fukuyama par exemple, prenant appui sur l’exemple de la Chine qui assure dans les deux domaines une protection qu’il qualifie de « good enough », critique cette définition comme étant particulièrement réductrice et propose de définir la Rule of Law comme la soumission du gouvernement à la souveraineté d’un droit préexistant représentant un consensus à l’échelle de la société sur la signification du juste20Ibid., p. 245 et sq..

Michael Trebilcock oppose quant à lui une conception dite mince (thin), qui correspond peu ou prou à celle avancée par Fukuyama à une définition épaisse (thick), comprenant certains principes de morale universelle (droits fondamentaux, démocratie et/ou critères de formulation du juste ou du bon, principe de non-discrimination), s’approchant de « l’idée de la justice » telle que décrite par Amartya Sen. Il propose donc sa propre définition, procédurale, reposant sur quatre principes cardinaux : transparence du processus de production et d’adjudication du droit ; prévisibilité ; permanence ou stabilité et application effective21Michael J. Trebilcock et Ronald J. Daniels, Rule of Law Reform and Development, Cheltenham, Edward Elgar, 2008..

Un autre auteur, Rachel Kleinfeld, très critique de l’action des bailleurs institutionnels, qu’elle juge trop centrée sur les institutions de la justice, privilégie une définition téléologique du Rule of Law, identifiant cinq finalités : un état de droit, c’est-à-dire un gouvernement reconnaissant la souveraineté du droit ; l’égalité devant la loi ; « Law and Order » (c’est-à-dire la sécurité des biens et des personnes) ; une justice efficace et prévisible ; le respect des droits de l’homme. L’originalité de la pensée de Kleinfeld tient à ce qu’elle démontre que ces fins sont très très fréquemment en conflit, et expose ainsi la fragilité du concept22Rachel Kleinfeld, « Competing Definitions in the Rule of Law », dans Thomas Carothers et al., Promoting the Rule of Law Abroad, in Search of Knowledge, Washington, Carnegie, 2006, p. 31-75..

On peut aussi tenter de dégager une définition fonctionnelle à partir de l’action des bailleurs institutionnels dans le domaine du Rule of Law.

La première catégorie d’action concerne le droit substantiel : il s’agit de la révision, financée par les deniers du développement et assistée techniquement par des experts internationaux, des lois et réglementations. Très souvent, l’action est fondée sur le droit directement lié à l’activité économique : justice commerciale, faillites, sociétés, fiscal, propriétés intellectuelles et marchés financiers. De plus en plus fréquemment, l’action des bailleurs institutionnels se concentre sur le droit pénal, en particulier la procédure pénale, et la prise en compte de défis liés à la mondialisation tels que le blanchiment et la fraude sur internet.

Le deuxième type d’action rencontrée concerne le renforcement d’institutions judiciaires ou para-juridiques. Le gros de l’action est composé de programmes de formation de juges et de personnels judiciaires, d’informatisation des tribunaux et l’amélioration de l’accès à la documentation juridique, notamment à la jurisprudence. On peut évoquer en outre le renforcement des institutions engagées dans les modes alternatifs de règlement des litiges.

Enfin, un troisième groupe d’actions, qui devrait être le plus important compte tenu des causes invoquées pour expliquer l’échec du mouvement Law and Development, mais qui est en réalité beaucoup moins fréquent – et pour cause –, consiste à inculquer aux responsables politiques une mentalité de respect du droit. Ce groupe d’actions se traduit par de l’assistance à des réformes institutionnelles garantissant la transparence, ou en assistant à la mise en place de mécanismes institutionnels de lutte contre la corruption.

Comme on peut le constater, le mythe du lien de causalité entre droit et développement économique a la peau dure. Il a persisté, contre vents et marées, malgré les accusations d’ethnocentrisme et d’inefficacité qui se sont accumulées tant à l’encontre du mouvement Law and Development, d’inspiration plutôt sociale-démocrate, que du Rule of Law, d’inspiration plus disparate. Dans ce dernier coexistent en effet une logique néolibérale de déréglementation, et des considérations sociales et de respect des droits de l’homme, largement dues à l’influence d’un autre courant, dit du New Developmental State – les paramètres mesurés par les WGI reflètent d’ailleurs bien cette ambiguïté des fins poursuivies.

Plutôt que de s’interroger sur les raisons des échecs, les acteurs institutionnels ont préféré légitimer l’action entreprise en ayant recours à l’évaluation.

évaluer pour conforter, ou l’illusion du microscope

Le lien entre les indicateurs et les agences internationales de développement est particulièrement important. Le dogme du lien entre droit et développement y est si profondément ancré – et depuis si longtemps – qu’un outil de légitimation est devenu nécessaire. Les indicateurs permettent ce tour de prestidigitation. Ils justifient le maintien du cap, en dépit d’échecs patents. Car l’échec n’est pas permis en raison de la rente de situation dont bénéficient un très grand nombre d’experts, de consultants et de fonctionnaires occupés à la recherche et l’expérimentation de la technologie juridique qui garantiront le développement économique, équivalent en droit de la pierre philosophale.

On voit là un premier emballement de la logique des indicateurs. Alors que ceux-ci devaient servir à évaluer et à orienter les politiques, ils se sont transformés en entreprise de légitimation et de confirmation des orientations choisies. L’exemple de la chute sous le poids des inégalités croissantes de la Tunisie de Ben Ali et de l’égypte de Moubarak, toutes deux érigées en exemple de volonté réformatrice par Doing Business, aurait dû entraîner une remise en question de la part de la Banque mondiale : au regard du but ultime de cette dernière, qui est d’éradiquer la pauvreté, le menu de réformes proposé par l’indicateur ne montrait-il pas là en effet ses limites23Car c’est un modèle économique autant que des régimes politiques qui viennent de s’effondrer. ?

S’y est greffé l’enjeu crucial de la question du marché des services juridiques, du fait de la porosité entre les Law Firms et les agences de développement, qui recrutent principalement des juristes formés par les grandes enseignes du droit au vu de leur statut d’aristocratie des professions juridiques et de leur exposition internationale.

Dans ces circonstances, on comprend mieux la séduction exercée sur les institutions financières internationales – à leur corps défendant disent-elles aujourd’hui – par la thèse des origines légales qui pose en règle que le droit a une influence essentielle sur le développement économique, mais pas n’importe quel droit. Ainsi, tandis que la Common Law conduirait au développement, la tradition civiliste napoléonienne produirait les effets inverses. La critique française a, et à juste titre, largement désapprouvé cette hiérarchie douteuse, mais n’a fait qu’effleurer la première affirmation de LLSV24La Porta, Lopez de Silanes, Shleifer, Vishny : des personnes qui ont théorisé l’influence des traditions légales sur la finance., à quelques exceptions près25Cf. notamment Arnaud Raynouard, « Faut-il avoir recours à l’analyse économique du droit pour assurer l’efficacité économique du droit ? », http://www.crdp.umontreal.ca/fr/publications/ouvrages/Raynouard.pdf ; Anne-Julie Kerhuel et Arnaud Raynouard, « L’évaluation des systèmes juridiques au cœur de la tourmente », Dalloz, 2010, p. 2928 ; Claire Lemercier, « Napoléon contre la croissance ? à propos de droit, d’économie et d’histoire », La vie des idées, 21 novembre 2008, http://www.laviedesidees.fr/Napoleon-contre-la-croissance.html?lang=fr ; Nicolas Meisel et Jacques Ould Aoudia, « La “bonne gouvernance” est-elle une bonne stratégie de développement ? », AFD, Document de travail, no 58, 2008, http://www.afd.fr/webdav/site/afd/shared/PUBLICATIONS/RECHERCHE/Scientifiques/Documents-de-travail/058-document-travail-VA.pdf..

Or, ce paradigme est loin d’être accepté par tous, même au sein des économistes néo-institutionnels, chez qui un consensus négatif se dessine à présent autour de l’idée qu’aucun critère décisif et universel n’a été formulé dont on puisse affirmer avec certitude qu’il génère invariablement le développement et la croissance économique26Cf. Abhijit V. Banerjee, « Big answers for big questions : the presumption of growth policy », dans Jessica Cohen et William Easterly, What Works in Development, Washington, Brookings Institution Press, 2009, p. 209 ; Dani Rodrik, « The new developmental economics : we shall experiment, but how shall we learn ? », dans Cohen et Easterly, op. cit., p. 40 ; même l’un des architects des WGI, Daniel Kaufman, a admis que la question de la causalité entre gouvernance et développement économique demeurait entière : « Rethinking governance : empirical lessons challenge orthodoxy », Washington, The World Bank, 2003, http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=386904..

Dans ces circonstances, est-il légitime, voire même utile d’évaluer les systèmes juridiques ? L’évaluation est-elle condamnée à l’éconocentrisme et au réductionnisme simpliste de Doing Business ou, pire encore, de l’index Rule of Law du World Justice Project del’American Bar Association, dont les travers méthodologiques conduisent à voir le droit comme une technologie et sa réalisation comme une affaire de célérité et de coûts ? Dans sa version la plus compétitive, il ressemblerait alors étrangement à une vision strictement technocratique et imaginaire du droit américain – ou à celui de Singapour, érigé en modèle bureaucratique de la politique étrangère américaine et des institutions financières internationales.

D’autres systèmes d’évaluation ont été proposés, qui reposent également sur des critères non économiques, comme par exemple l’index de sécurité juridique de la Fondation pour le droit continental, qui propose d’intégrer des paramètres comme l’existence ou non d’une procédure de rescrit27C’est-à-dire réponse à une demande d’avis adressée à une autorité sur l’interprétation d’un texte dont elle est l’auteur., la qualité de la motivation des décisions judiciaires ou l’importance du lobbying, dans les processus de production du droit. Par là, il permet de sortir de la logique coûts / délais de Doing Business, d’éviter l’écueil d’établir un classement et surtout de poser la bonne question, qui est moins celle de savoir si un système juridique contribue au développement économique que celle de la confiance dans les règles et les institutions, dont Marcel Mauss disait qu’elle était « la définition même de tout acte collectif28Cf. Dominique Schnapper, « En qui peut-on avoir confiance ? », Commentaire, no 132, 2010-2011, p. 977. ». Il est donc permis d’espérer que cet index échappera à l’écueil de l’ethnocentrisme qui caractérise les autres indicateurs, mais il est encore trop tôt pour le dire.

L’évaluation est-elle pour autant impossible ?

Le risque de rejeter de but en blanc l’évaluation est celui de rejeter toute recherche d’universalisme dans les rapports du droit, de la démocratie et du capitalisme, qui conduit à réduire la valeur d’exemple que peuvent avoir l’expérience de nations comme les états-Unis, le Royaume-Uni ou la France, sur des états totalitaires comme la Chine, ou des états inexistants comme la République démocratique du Congo. De ce point de vue, le jugement comparatif est absolument nécessaire. Giovanni Sartori écrivait à propos des paradigmes politiques que le caractère axiologique de leurs fondements « n’implique pas que nous devions nous enfermer dans la coquille de hiérarchie de valeurs inexprimables et indéfendables, ni que nous n’ayons de ce fait rien à opposer à l’idée que tous les idéaux éthico-politiques se valent29Giovanni Sartori, Théorie de la démocratie, Paris, Armand Colin, 1973, p. 140. ». Le même raisonnement s’applique aux systèmes juridiques compte tenu précisément de leur lien avec les fondements politiques d’une communauté donnée. Comme le disait Leo Strauss : « Si, de deux montagnes dont les sommets sont cachés par des nuages, nous ne pouvons dire laquelle est la plus haute, ne pouvons-nous pas pour autant décider qu’une montagne est plus haute qu’une taupinière30Leo Strauss, What is political philosophy ?, Glencoe, Free Press, 1959, p. 23, cité par Sartori, ibid. ? »

Au contraire, et sous couvert d’universalisme, les indicateurs aboutissent à la conclusion paradoxale – et Doing Business le premier – de mettre sur un pied d’égalité un état cité, dictatorial de surcroît, comme Singapour – bête à concours des indicateurs de gouvernance – et des états nations démocratiques authentiques comme l’Inde, le Brésil, le Canada, les états-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France.

Chose plus dérangeante, en érigeant Singapour en modèle de régulation par le droit, les indicateurs ne contribuent-ils pas à conforter les « tendances régressives31L’expression est de Bruno Oppetit. » qui marquent l’évolution des systèmes juridiques des nations développées32Nul ne décrit mieux ces tendances régressives que Soljenitsyne : « une société où il n’existe pas de balance juridique impartiale est une chose horrible, mais une société qui ne possède en tout et pour tout qu’une balance juridique n’est pas, elle non plus, vraiment digne de l’homme […] lorsque toute la vie est pénétrée de rapports juridiques, il se crée une atmosphère de médiocrité morale qui asphyxie les meilleurs élans de l’homme », Le Déclin du courage. Discours de Harvard, Paris, Seuil, 1978, p. 20-21. Ces tendances, qui tendent à renforcer l’image négative des juristes outre-atlantique comme ayant le monopole d’interprétation d’une science occulte – alors que ce trait a longtemps été la clé de leur prestige –, sont parfaitement analysées dans un article du Financial Times de la journaliste Gillian Tett sur la loi Dodd Frank, votée en mai 2010 et réformant l’activité financière après la grande récession de 2008-2009. Tett relève que cette loi de 2 600 pages nécessitera 243 articles de règlements d’applications et 65 études réalisées par une centaine de comité avant son entrée en application. Tett souligne le paradoxe que cette loi portant le niveau de complexité bureaucratique à un degré jamais atteint, a été présentée comme le remède à une sophistication financière telle que plus personne, à commencer par les régulateurs, ne pouvait appréhender dans sa globalité. Cf. Dodd Frank, « Takes Paper Chase Complexity to New Heights », Financial Times, 28 octobre 2011. On peut y ajouter la tendance, observable un peu partout dans le monde occidental, des élites gouvernantes à satisfaire l’obsession sécuritaire des uns et « l’envie de pénal » des autres. ? De toute évidence, ce surprenant succès d’une authentique dictature, non seulement dans l’indicateur Doing Business33En tête du classement 2012 pour la sixième année consécutive., mais aussi dans des indicateurs mesurant des aspects non directement économiques comme les WGI ou le Rule of Law Index de l’American Bar Association34Qui classe Singapour 5e sur 66 pour l’efficacité de la justice pénale avec un score dans la moyenne des pays les plus développés pour le Due Process of Law., ne suscite pas les indignations qu’il devrait.

La torpeur générale devant ce résultat étrange s’explique par une illusion de masse, à laquelle Sartori avait donné un nom : l’illusion du microscope. Cette illusion ressort de la précision requise pour que l’on puisse affirmer quelque chose avec certitude, « pour que l’on puisse employer à coup sûr le mot “vérité” ». Au moyen de cette métaphore, Sartori expliquait que « c’est une illusion de penser qu’à chaque niveau d’analyse, il faut conserver la même précision dans les mesures et que l’unité de mesure absolue est la plus petite de toutes », et il dénonçait cette perversion scientiste des sciences sociales qui pousse les chercheurs à être tellement scientifiques « que l’on a l’impression que s’ils venaient à rencontrer un éléphant ils demanderaient un microscope avant d’accepter de dire de quel animal il s’agit ». Si l’on pense, à rebours de Shihata, que le droit n’est pas une technologie, ou un agencement bureaucratique, car il traite du monde de l’esprit et de la nature symbolique de l’homme, et partant, des choses politiques, alors il faut distinguer la macro-analyse, nécessairement politique, de la micro-analyse bureaucratique, et faire en sorte qu’elles se nourrissent l’une de l’autre. Or, une partie de la critique européenne et française en particulier tombe dans le piège des indicateurs lorsqu’elle se borne à critiquer les méthodes de pondération des statistiques de Doing Business, ou en suggérant des aménagements méthodologiques relativement mineurs, en espérant que ces critiques feront gagner quelques places à tel ou tel dans le classement.

Car il importe peu, au fond, que la France soit 29e sur 183 d’un classement où le Canada est classé 156e sur l’indicateur de raccordement au réseau électrique, ce qui le fait glisser du 12e au 13e rang juste derrière… l’Arabie Saoudite, alors que l’Allemagne et le Japon sont classés respectivement 19e et 20e juste derrière la Thaïlande et la Malaisie.

Ce qui importe, en revanche, c’est que les ressources de la Banque mondiale soient mobilisées pour produire de tels paradoxes, qui n’entretiennent qu’un rapport lointain et idéologique avec la réduction de la pauvreté.

Ce qui importe plus encore est la tendance de fond de ces indicateurs à légitimer des modes de gouvernement dont le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’ont qu’un rapport instrumental au droit, perçu au mieux comme le moyen d’attirer des investisseurs étrangers ou au pire comme un appât pour obtenir plus d’aide au développement.

Or, ce n’est pas la première fois qu’un consensus se dégage pour voir dans des formes de gouvernement centralisés et despotiques le chemin le plus sûr vers la réforme et le progrès. En effet, comme le rappelle fort justement un historien américain, Hilton Root, les économistes politiques du xviiie siècle, dont les physiocrates, voyaient dans la France de l’Ancien Régime un modèle politique mieux armé pour innover que l’Angleterre gagnée par le parlementarisme et tenue pour corrompue, mal organisée, divisée en factions et arriérée35 Hilton Root, La Construction de l’état moderne en Europe, la France et l’Angleterre, Paris, PUF, 1994, p. 302-303.. Ces économistes, à l’image de Samuel du Pont de Nemours, pensaient qu’il « était plus aisé de persuader un prince qu’une nation et que l’on établirait plus vite la liberté du commerce et du travail par l’autorité des souverains que par les progrès de la raison36Cf. Œuvres de Turgot, G. Schelle éd., Paris, Librairie Félix Alcan, 5 vol., 1913-1923, t. I, p. 258, cité par Root, ibid., p. 302. ».

À juste titre, Root souligne que les économistes politiques de l’époque eussent été plus inspirés d’observer qu’« alors que le Parlement anglais était un forum, un médiateur auprès duquel les conflits les plus complexes entre régions et groupes d’intérêt pouvaient être instruits, la privation de fait des états généraux priva la France de la possibilité de voir naître une institution dotée d’une capacité similaire de règlement des conflits37Ibid. ».

Et Root de formuler un conseil méthodologique parfaitement adapté aux fabricants d’indicateurs. Posant les questions de ce qui assure la durée des institutions et de la relation de la politique aux institutions dont elle est issue, il écrit que « [p]our y répondre, il faut voir plus loin que les conséquences heureuses ou non des institutions en matière de prospérité ou de formation de richesses, il faut aussi considérer leur capacité à assurer la stabilité sociale par leur façon de régler les différends et d’imposer l’application des décisions une fois prises ».

Ayant posé la nécessité d’un jugement comparatif sur les systèmes juridiques, comment fonder les bases opérationnelles de l’évaluation ? Sans doute existe-t-il des éléments de réponse chez Benjamin Constant, qui proposait de dépasser la tension entre les idéaux et la réalité par les principes intermédiaires, qu’il voyait comme des principes permettant à des idéaux normatifs de « descendre jusqu’à nous » en les appropriant à notre situation en même temps que comme un contrepoids à l’existant38Cf. Benjamin Constant, « Des réactions politiques » (1797), chap. viii, dans écrits et discours politiques, Paris, Pauvert, 1964, t. I, p. 65, cité dans Sartori, op. cit., p. 54-55.. Ce n’est d’ailleurs pas sans rappeler les orientations poursuivies par l’index de sécurité juridique, qui tente de mesurer la confiance, plutôt que la conformité à un cahier des charges technocratique. Il faut dans tous les cas partir du postulat inverse de celui de Shihata : le droit participe de l’ordre politique, donc il ne peut être évalué sans considération des finalités et des valeurs déterminées des communautés qu’il régit, lesquelles ne sont pas toutes universelles. En associant démocratie et capitalisme, les tenants de la modernisation avaient au moins à cœur d’exporter un modèle ambitieux – le modèle – et le mérite de prendre en compte ces finalités politiques dans leur modèle théorique. En prophétisant l’avènement d’une société civile globale à partir de la construction d’un capitalisme mondial à l’image de Singapour, gageons que l’histoire apprendra aux économétriciens la même leçon que l’Angleterre a donnée aux économistes politiques du xviiie siècle.

Réferences

« The Doing Business Project provides objective measures of business regulations and their enforcement », http://www.doingbusiness.org/about-us.
Cf. Alain Supiot, L’Esprit de Philadelphie. La justice sociale face au marché total, Paris, Seuil, 2010, p. 64 et sq.
Cf. les droits de tradition civiliste en question, à propos des rapports Doing Business de la Banque mondiale, Association Capitant, http://mja-paris2.webs.com/Les_droits_de_tradition_civiliste_en_question.pdf.
La thèse la plus controversée du mouvement des origines légales est que la Common Law nonoffrirait un meilleur cadre juridique que la tradition continentale pour favoriser le développement économique.
Lawrence Friedman, « On Legal Development », Rutgers Law Review, 24, 1969, p. 11, 52-53.
Robert Allen Sedler, « Law Reform in the Emerging Nations of Sub-Saharan Africa : Social Change and the Development of the Modern Legal System », 13 St. Louis L. J., 1968, p. 195, 199. La référence à l’ingénierie sociale rappelle que la politique économique américaine d’alors était keynésienne et au diapason de la régulation et de la puissance de l’état.
Assimilée à la transposition du modèle américain.
Cf. en particulier Friedman, op. cit., p. 47 et sq.
John Henry Merryman, « Comparative Law and Social Change. On the Origins, Style, Decline and Revival of the Law and Development Movement », American Journal of Comparative Law, vol. 25, 1977, p. 457. Merryman attribuait la cause de l’échec à l’obstination de vouloir à tout prix exporter le « style juridique » américain.
Friedman, op. cit., p. 61.
Robert B. Seidman, The State, Law and Development, New York, St. Martin’s Press, 1978, p. 34.
Statuts de la Banque internationale de reconstruction et de développement, art. IV, section 10.
Cf. Robert C. Effros, « The World bank in a Changing World : the Role of Legal Construction », The International Lawyer, vol. 35, p. 1341, 2001.
Que Shihata définissait comme « un système de règles abstraites effectivement appliquées et des institutions formelles garantissant l’application de ces règles », ibid.
Ibid.
Douglass North, Institutions, Institutional Change and Economic Performance, New York, Cambridge University Press, 1990, p. 4-6.
Daniel Kauffmann, Aart Kraay, Pablo Zoido-Lobatón, « Governance Matters », World Bank Policy Research Working Paper, no 2196, 1999, disponible à l’adresse http://info.worldbank.org/governance/wgi/resources.htm.
Pour une critique particulièrement pertinente de cet indicateur, cf. Melissa Thomas, « What Do the Worldwide Governance Indicators Measure ? », European Journal of Development Research, no 22, 2010, p. 31-54.
Cf. Yoram Barzel, Economic Analysis of Property Rights, cité dans Francis Fukuyama, The Origins of Political Order, New York, Farar, Straus & Giroux, 2011, p. 248.
Ibid., p. 245 et sq.
Michael J. Trebilcock et Ronald J. Daniels, Rule of Law Reform and Development, Cheltenham, Edward Elgar, 2008.
Rachel Kleinfeld, « Competing Definitions in the Rule of Law », dans Thomas Carothers et al., Promoting the Rule of Law Abroad, in Search of Knowledge, Washington, Carnegie, 2006, p. 31-75.
Car c’est un modèle économique autant que des régimes politiques qui viennent de s’effondrer.
La Porta, Lopez de Silanes, Shleifer, Vishny : des personnes qui ont théorisé l’influence des traditions légales sur la finance.
Cf. notamment Arnaud Raynouard, « Faut-il avoir recours à l’analyse économique du droit pour assurer l’efficacité économique du droit ? », http://www.crdp.umontreal.ca/fr/publications/ouvrages/Raynouard.pdf ; Anne-Julie Kerhuel et Arnaud Raynouard, « L’évaluation des systèmes juridiques au cœur de la tourmente », Dalloz, 2010, p. 2928 ; Claire Lemercier, « Napoléon contre la croissance ? à propos de droit, d’économie et d’histoire », La vie des idées, 21 novembre 2008, http://www.laviedesidees.fr/Napoleon-contre-la-croissance.html?lang=fr ; Nicolas Meisel et Jacques Ould Aoudia, « La “bonne gouvernance” est-elle une bonne stratégie de développement ? », AFD, Document de travail, no 58, 2008, http://www.afd.fr/webdav/site/afd/shared/PUBLICATIONS/RECHERCHE/Scientifiques/Documents-de-travail/058-document-travail-VA.pdf.
Cf. Abhijit V. Banerjee, « Big answers for big questions : the presumption of growth policy », dans Jessica Cohen et William Easterly, What Works in Development, Washington, Brookings Institution Press, 2009, p. 209 ; Dani Rodrik, « The new developmental economics : we shall experiment, but how shall we learn ? », dans Cohen et Easterly, op. cit., p. 40 ; même l’un des architects des WGI, Daniel Kaufman, a admis que la question de la causalité entre gouvernance et développement économique demeurait entière : « Rethinking governance : empirical lessons challenge orthodoxy », Washington, The World Bank, 2003, http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=386904.
C’est-à-dire réponse à une demande d’avis adressée à une autorité sur l’interprétation d’un texte dont elle est l’auteur.
Cf. Dominique Schnapper, « En qui peut-on avoir confiance ? », Commentaire, no 132, 2010-2011, p. 977.
Giovanni Sartori, Théorie de la démocratie, Paris, Armand Colin, 1973, p. 140.
Leo Strauss, What is political philosophy ?, Glencoe, Free Press, 1959, p. 23, cité par Sartori, ibid.
L’expression est de Bruno Oppetit.
Nul ne décrit mieux ces tendances régressives que Soljenitsyne : « une société où il n’existe pas de balance juridique impartiale est une chose horrible, mais une société qui ne possède en tout et pour tout qu’une balance juridique n’est pas, elle non plus, vraiment digne de l’homme […] lorsque toute la vie est pénétrée de rapports juridiques, il se crée une atmosphère de médiocrité morale qui asphyxie les meilleurs élans de l’homme », Le Déclin du courage. Discours de Harvard, Paris, Seuil, 1978, p. 20-21. Ces tendances, qui tendent à renforcer l’image négative des juristes outre-atlantique comme ayant le monopole d’interprétation d’une science occulte – alors que ce trait a longtemps été la clé de leur prestige –, sont parfaitement analysées dans un article du Financial Times de la journaliste Gillian Tett sur la loi Dodd Frank, votée en mai 2010 et réformant l’activité financière après la grande récession de 2008-2009. Tett relève que cette loi de 2 600 pages nécessitera 243 articles de règlements d’applications et 65 études réalisées par une centaine de comité avant son entrée en application. Tett souligne le paradoxe que cette loi portant le niveau de complexité bureaucratique à un degré jamais atteint, a été présentée comme le remède à une sophistication financière telle que plus personne, à commencer par les régulateurs, ne pouvait appréhender dans sa globalité. Cf. Dodd Frank, « Takes Paper Chase Complexity to New Heights », Financial Times, 28 octobre 2011. On peut y ajouter la tendance, observable un peu partout dans le monde occidental, des élites gouvernantes à satisfaire l’obsession sécuritaire des uns et « l’envie de pénal » des autres.
En tête du classement 2012 pour la sixième année consécutive.
Qui classe Singapour 5e sur 66 pour l’efficacité de la justice pénale avec un score dans la moyenne des pays les plus développés pour le Due Process of Law.
 Hilton Root, La Construction de l’état moderne en Europe, la France et l’Angleterre, Paris, PUF, 1994, p. 302-303.
Cf. Œuvres de Turgot, G. Schelle éd., Paris, Librairie Félix Alcan, 5 vol., 1913-1923, t. I, p. 258, cité par Root, ibid., p. 302.
Cf. Benjamin Constant, « Des réactions politiques » (1797), chap. viii, dans écrits et discours politiques, Paris, Pauvert, 1964, t. I, p. 65, cité dans Sartori, op. cit., p. 54-55.
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À propos de l'auteur

Renaud Beauchard

Renaud Beauchard est chargé de mission de l'IHEJ, avocat, consultant indépendant.