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Résumé:L’ouvrage, publié chez LGDJ en juin 2016, est la version rédigée des interventions d’un colloque organisé en 2014...
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L’ouvrage, publié chez LGDJ en juin 2016, est la version rédigée des interventions d’un colloque organisé en 2014 par l’Université Grenoble Alpes qui avait pour objectif de présenter d’une manière équilibrée les impacts du droit de l’Union sur les systèmes juridiques nationaux des États membres, notamment sur le droit français. Néanmoins, certains des auteurs étendent le champ d’investigation au rôle du Conseil de l’Europe.

Le fil conducteur de cette entreprise est la dimension verticale de l’européanisation allant du haut vers le bas, bien que, comme le résume la conclusion générale, les effets entre les échelles nationale et européenne soient réciproques. Dans ce contexte, la primauté du droit de l’Union est complétée par le respect de l’identité constitutionnelle des États membres, aussi l’européanisation n’influence-t-elle les systèmes juridiques nationaux que par l’intermédiaire des autonomies institutionnelle et procédurale.

L’aperçu de ces impacts est divisé en trois grandes parties : les branches du droit, les institutions politiques et les juridictions. Comme « le but de cet ouvrage est ainsi de faire le point réel de l’Union européenne et du phénomène d’européanisation sur le droit français, à partir d’exemples précis dans des domaines déterminés », nous nous efforçons de démontrer brièvement tous ses chapitres.

L’européanisation des branches du droit

L’européanisation du droit civil

L’européanisation du droit civil survient dans le contexte des objectifs poursuivis par l’intégration en vue de promouvoir la libre circulation et l’élargissement du marché unique. En conséquence, elle vise essentiellement les relations comportant un élément d’extranéité.

Entendu au sens restrictif, le droit civil n’est concerné que dans la mesure où le droit de l’Union règle le droit de la consommation et la propriété intellectuelle.

Qu’il s’agisse d’une harmonisation imposée ou suggérée, la mesure de l’européanisation est également considérable. Quoique les instruments juridiques optionnels introduits par l’Union ne limitent pas la marge d’appréciation des États membres dans la détermination du contenu de leurs propres règles, la fragmentation suscitée par la coexistence des normes nationales et européennes pourra conduire à long terme à une harmonisation intégrale se fondant sur ces dernières.

Le droit de la consommation est un exemple éclatant des difficultés auxquelles l’on doit faire face à l’égard de l’européanisation. Les caractéristiques de la législation européenne telles que sa nature contingente, le système de ses objectifs spécifiques, aboutissent à des incohérences. Tandis que les législateurs nationaux s’efforcent d’assurer la protection suprême des consommateurs, cet aspect se complète au niveau européen par une tendance à la minimaliser en vue d’éliminer les différences régulatrices entre les États membres au service du marché intérieur.

À l’égard du droit international privé, l’européanisation est beaucoup plus approfondie. En effet, les règles européennes déterminant le droit national à appliquer sont prises en comptemême si elles désignent le droit d’un pays tiers. Ses effets pourront également s’avérer considérables dans une autre perspective : la compétition des droits nationaux en vue de régir les situations transfrontalières pourra entraîner l’homogénéisation de leur contenu, les situations ne se distinguant pas en substance en fonction de leur caractère interne ou international.

L’européanisation du droit pénal

La compétence de la Communauté en matière pénale n’a apparu que progressivement pendant l’intégration, initialement grâce à la jurisprudence de la Cour de justice européenne. Sous forme de l’intégration négative, puis positive, la Cour de justice européenne a maintes fois affirmé que les dispositions pénales des États membres ne peuvent pas constituer d’entraves aux libertés prévues par le traité, voire elles ont vocation à garantir l’efficacité du droit communautaire. Ce principe d’efficacité a été complété par celui d’équivalence en faveur des sanctions d’importance comparable aux niveaux national et européen.

À partir des dispositions expresses du traité d’Amsterdam, l’Union européenne est en mesure de directement façonner les éléments constitutifs des infractions transfrontières, cependant ce pouvoir n’a pas abouti au bouleversement du droit français les sanctionnant déjà antérieurement.

Dans le domaine du droit pénal processuel, c’est la réticence des États membres qui démontre l’importance de la reconnaissance mutuelle. La transposition en France de la décision-cadre portant sur le mandat d’arrêt européen qui constitue la première concrétisation de la reconnaissance mutuelle a conduit au caractère obligatoire de certaines causes de refus d’exécution d’un tel mandat,bien qu’elles soient prévues en tant que facultatives à la norme européenne.

Dans ce contexte, le rapprochement des dispositions nationales n’est pas un objectif autonome, il vise à promouvoir l’efficacité de la reconnaissance mutuelle par la voie du degré de protection équivalent des droits fondamentaux au cours de la procédure pénale.

L’européanisation du droit administratif

Dans le droit administratif, la distinction entre les droits international et européen a progressivement évolué. Grâce à cette tendance, le contrôle de la validité des actes administratifs de transposition s’inscrit dans le cadre établi par la jurisprudence de la Cour de justice européenne, et l’invocabilité les principes généraux du droit de l’Union européenne leur donne également une importance particulière vis-à-vis de ceux du droit international.

De même, l’engagement de la responsabilité de la puissance publique conformément au droit de l’Union a contribué à développer les règles pertinentes du droit administratif, bien que la mise en œuvre du droit de l’Union sans marge de manœuvre à l’échelle nationale puisse aboutir au refus de la responsabilité de l’État.

L’impact de la construction européenne sur le droit constitutionnel français

Les impacts de l’européanisation se rapportent particulièrement à deux principes constitutionnels : la relation peuple-État-constitution et la souveraineté. Dans un cas, la construction européenne met en évidence que l’objet de la constitution n’est pas l’État, mais la société avec toutes les conséquences sur la séparation à effectuer s’agissant des pouvoirs de la société. Dans l’autre cas, la construction européenne a ébranlé les bases du principe de la souveraineté défini par Jean Bodin auquel pourraient être substitués ceux de coopération loyale et de solidarité dans une conception en réseau.

L’européanisation des institutions politiques et administratives

L’européanisation de l’exécutif français

Ce chapitre donne un aperçu de l’adaptation de l’exécutif à la prise de décisions en commun au niveau européen. Les fonctions européennes exercées par le président et le gouvernement entraînent les conséquences structurelles : le secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) a pour mission d’assurer la cohérence et l’efficacité aux positions françaises. Leur élaboration exige un fonctionnement bien réglé entre les ministères, le SGAE et la représentation permanente.

Au-delà de la régulation des rapports internes de l’exécutif, l’européanisation touche également les compétences de celui-ci : le gouvernement est en effet habilité à transposer certaines directives dans les domaines ne relevant pas originalement de son pouvoir.

La marge de manœuvre de l’exécutif est définie tant par les contraintes sous la forme de la coopération loyale que par le respect de l’identité constitutionnelle, émanant également du traité sur l’Union européenne. En conséquence, à travers de la mise en œuvre nationale des règles européennes, l’européanisation est limitée à la fois sur le plan structurel et conjoncturel.

L’européanisation du Parlement français

À la suite des compétences conférées à la construction européenne, ayant la tendance à s’étendre dans le temps, les parlements nationaux ont dû forcément subir l’affaiblissement sur le plan législatif. Le degré de précision de plus en plus élevé des directives à transposer a également contribué au resserrement de la marge de manœuvre du parlement français. En revanche, ce rétrécissement de la fonction législative a été compensé en partie par l’extension des prérogatives en matière de contrôle. Bien que celles définies à l’échelle nationales ne contribuent principalement qu’à la transmission des propositions d’actes de l’Union par le gouvernement au parlement, le traité sur l’Union européenne confère un rôle plus considérable en faveur du respect du principe de subsidiarité.

En vue de se conformer aux fonctions découlant de la construction européenne, les deux chambres du parlement français ont mis en place les commissions chargées des affaires européennes et participent aux différentes formes de la coopération interparlementaire.

En dépit des réformes induites par le traité de Lisbonne, il existe une résistance considérable de la part de nombreux acteurs à l’encontre du renforcement du rôle des parlements nationaux,ceux-ci étant les dépositaires de la souveraineté des États.

L’européanisation de l’Administration de l’État

Outre les ajustements structurels visant à assurer la coordination efficace en faveur d’une politique européenne cohérente, l’européanisation exige de l’administration française un changement de mentalité. Le système polycentrique de la construction européenne consistant en la culture de la recherche du consensus nécessite l’évolution d’un comportement capable de convaincre dans un contexte autre que celui des décisions unilatérales. L’apprentissage, l’adaptation aux nouvelles méthodes sont promus par l’Union en vertu de l’article 197 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Faute d’une administration fédérale au niveau européen, l’Union est tributaire des administrations nationales dans la mise en œuvre de ses politiques. En conséquence, tout un éventail des branches de l’administration française est pénétré par l’européanisation dans le sens où leur activité est au service à la fois de l’État et de l’Union, notamment, entre autres, au cours de la perception des droits de douane ou du paiement des aides octroyées aux producteurs dans l’Agriculture.

L’européanisation des collectivités territoriales

Au service de l’intégration économique, l’un des objectifs de l’Union européenne vise à corriger les déséquilibres régionaux et les ajustements structurels. C’est par cette voie que les collectivités territoriales sont principalement touchées dans le cadre de l’européanisation, ce qui provoque leur participation sous forme du Comité des régions au processus décisionnel. Cependant, les États étant les parties prenantes à la construction européenne, leur souveraineté constitue une limite pour le rôle joué par les régions. L’autonomie institutionnelle des États reconnue par le droit de l’Union assure une marge de manœuvre considérable pour le niveau national à l’égard de la manière dont les décisions européennes sont exécutées.

L’européanisation des institutions juridictionnelles

L’européanisation du juge constitutionnel

L’européanisation pour les cours constitutionnelles se manifeste sur le plan théorique par la tension entre la primauté du droit de l’Union et la supériorité des constitutions nationales, les dernières étant les normes porteuses de la souveraineté nationale. Malgré les résistances initiales à cette doctrine-là de la Cour de justice européenne, les cours constitutionnelles ont tendance à substituer aux conflits la complémentarité entre les différentes juridictions.

Depuis 1975, le Conseil constitutionnel n’examine pas la comptabilité des lois avec les règles européennes. L’aspect procédural de la nouvelle approche est lié au respect des compétences, comme le montre la question préjudicielle adressée par le Conseil constitutionnelà la Cour de justice européenne dans l’affaire Jeremy F.À cet effort réciproque de promouvoir la complémentarité est associée la recherche de la cohérence : ce faisant, tant les cours constitutionnelles que les cours européennes cherchent à prendre en considérationles unes la jurisprudence des autres.

Le Conseil d’État et l’ordre juridique européen

Les décisions du Conseil d’État dessinent une évolution divisée en trois étapes.Dans un premier temps, sa jurisprudences’est caractérisée par la réticence culminant dans la décision Cohn-Bendit où le Conseil d’État n’a pas reconnu l’effet des directives européennes en droit interne. Par la suite, une autre approche s’est épanoui en conduisant à la redéfinition : d’après l’arrêt Madame Perreux, les dispositions des directives, faute de transposition, peuvent être invoquées par les justiciables. En conséquence, de nos jours, lacour suprême administrative française fait partie intégrante d’un réseau européen des juridictions, et dans le cadre de ce progrès, le protocole 16 de la convention européenne des droits de l’homme, après son entrée en vigueur, pourra contribuer à renforcer la coopération par la voie des avis consultatifs préjudiciels.

L’européanisation du juge judiciaire

Ce chapitre présente l’éventail des effets du droit de l’Union à la fois sur les branches civile et pénale du droit et sur les rapports entre les juridictions. Dans ce contexte, compte tenu des autres parties de l’ouvrage, il vaut la peine de porter l’attention sur deux aspects de l’européanisation.

Dans la procédure civile, le juge a la faculté de soulever d’office tous moyens de droit. Cette faculté, découlant de la jurisprudence de la Cour de cassation, est inversée à obligation s’agissant du droit de l’Union selon la jurisprudence de la Cour de justice européenne, notamment en vertu de son arrêt dans l’affaire Van Schijndel. Néanmoins, cette contrainte est limitée par les règles procédurales nationales, par conséquent, la Cour de cassation n’est tenue de la respecter que conformément à son rôle se bornant à examiner les moyens de pur droit.

Comme on peut lire dans les autres chapitres de l’ouvrage, les directives européennes, faute de transposition, ont un effet direct vertical, bien reconnu par les juridictions françaises. Cependant, l’absence de leur effet direct horizontal n’est pas concernée par les droits consacrés à la Charte des droits fondamentaux. Cette interprétation, présentée par la Cour de justice européenne dans l’affaire AkerbergFransson, conduit à la limite de l’européanisation permettant l’application d’une dispositionnationale mal transposant une directive européenne.

* * *

Quoique les impacts du droit de l’Union sur le système juridique soient présentés en trois parties, c’est une dichotomie qui se dessineà travers les chapitres de l’ouvrage. D’une part, l’européanisation réside dans le règlement des rapports entre les justiciables, ce qui façonne tant les branches du droit que leur application par les juridictions. Sur ce plan, le chapitre traitant une certain branche est lié à celui pertinent d’un point de vue juridictionnel. Par rapport à ces effets de l’européanisationsur le fond du système juridique français, l’adaptation des institutions politiques constituant le champ d’investigation de la deuxième partie est de caractère différent : en dépit de ses éléments concrets émanant de la construction européenne, elle suppose un ajustement organisationnel dont les modalités au fond sont les mêmes qu’il s’agisse d’un encadrement institutionnel international quelconque. À notre avis, c’est dans cette perspective qu’il vaut la peine de lire ce livre.

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À propos de l'auteur

Szabolcs SZALACSI

De formation initiale en économie, Szabolcs Szalacsi poursuit des études juridiques à l’Université Eötvös Loránd à Budapest. Après une expérience professionnelle au sein de la fonction publique en Hongrie, il effectue aujourd’hui un stage à l’IHEJ grâce au programme Erasmus.