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L’investissement direct étranger, en ce qu’il permet le transfert de technologies et génère d’importants revenus fiscaux, est considéré comme l’un des principaux vecteurs du développement durable. Cependant, les instruments internationaux normatifs ne prennent que peu en compte cet objectif de développement durable. La déconnexion entre les instruments et les objectifs est flagrante dans les conflits qui opposent les Etats aux investisseurs étrangers. les accords sur l’investissement international peuvent constituer un véritable frein à la mise en œuvre des politiques publiques en faveur du développement durable. Cela ne tient pas uniquement aux accords eux-mêmes mais à la manière dont ils sont utilisés par certains investisseurs. La réforme du mécanisme de règlement des différends est au cœur des discussions actuelles sur l’évolution souhaitée et souhaitable des accords sur l’investissement international. Il conviendrait d’identifier un ensemble de standards internationaux acceptés comme définissant l’investissement responsable, permettant ainsi d’intégrer les accords sur l’investissement dans un ensemble plus vaste d’instruments normatifs formels et informels qui pourraient interagir entre eux. Cela requiert la participation aussi bien des Etats que des institutions internationales, des investisseurs eux-mêmes, voire de certaines ONG, dans une perspective de droit participatif qui repose sur un processus normatif à l’issu duquel chacune des parties prenantes a été associée à l’élaboration du droit applicable.

Sabrina Cuendet est maître de conférences à l’Ecole de droit de la Sorbonne (université Paris 1) et membre de l’Institut de recherche en droit international et européen de la Sorbonne (IREDIES).

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Accords d’investissement et développement durable : sans doute n’existe-t-il pas de problématique plus vaste pour amorcer une réflexion sur les évolutions envisageables du droit des investissements étrangers, tel qu’il est principalement constitué, aujourd’hui, par la multitude des accords internationaux, essentiellement bilatéraux (les traités bilatéraux d’investissement – TBI), de promotion et de protection des investissements 1À la fin de l’année 2013, la CNUCED dénombrait 3 200 accords sur l’investissement, dont plus de 2 900 traités bilatéraux sur l’investissement et environ 300 « autres accords » sur l’investissement. Informations disponibles sur le site Internet de la CNUCED (www.unctad.org). .

Pour entrer dans le vif du sujet et souligner dès maintenant le fait que l’appréhension du couple droit des investissements internationaux – développement durable se décline sous l’angle de la contradiction, un véritable hiatus doit ici être relevé. D’une part, l’investissement, en particulier l’investissement direct étranger, en tant qu’il permet le transfert de richesses, de savoir-faire, de technologie, en tant qu’il participe à la création d’emplois ou en tant qu’il génère d’importants revenus fiscaux est, par nature, réputé être « bon » pour l’économie et le développement de l’Etat d’accueil. Pour cette raison, l’investissement direct étranger est, depuis longtemps, considéré comme l’un des principaux vecteurs du développement durable 2Il est appréhendé comme tel dans la plupart des travaux institutionnels d’envergure internationale qui portent sur le sujet. Voir les nombreuses références en ce sens faites dans le document final de la conférence des Nations unies sur le développement durable, intitulé « L’avenir que nous voulons ». Résolution 66/288 du 27 juillet 2012 (Rio + 20) de l’Assemblée générale des Nations unies. Voir aussi les instruments adoptés lors du sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg en 2002 (en particulier le Plan d’application du sommet mondial pour le développement durable, introduction points 2 et 4, chapitre III sur la modification des modes de consommation et de production non viables, points 16, 19, 46, 49 et 84. Ces documents sont disponibles sur le site Internet suivant : http://www.un.org/french/events/wssd/pages/document.html). Voir encore le Cadre pour une politique d’investissement au service du développement durable adopté en juin 2012 par la CNUCED, Investment Policy Framework for Sustainable Development (http://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/webdiaepcb2012d6_en.pdf). . Pourtant, d’autre part, les seuls instruments internationaux normatifs portant spécifiquement sur l’investissement étranger – les accords de promotion et de protection de l’investissement international – ne font que très peu de cas de cet objectif de développement durable. La plupart de ces instruments ne contiennent tout simplement aucune disposition à ce sujet. On trouve certes dans certains d’entre eux une mention de l’objectif de développement de l’Etat d’accueil dans le préambule ou une disposition qui rappelle, sous forme incantatoire, le droit de l’Etat de réglementer dans le but de satisfaire certains intérêts essentiels comme la protection de l’environnement ou de la santé. Mais il ne s’agit là que d’une prise en compte a minima des impératifs de développement durable 3Pour une analyse plus détaillée de ces clauses, voir infra. Voir aussi, pour une appréciation des clauses qui tiennent compte de l’objet de protection de l’environnement, S. Robert-Cuendet, Droits de l’investisseur étranger et protection de l’environnement. Contribution à l’analyse de l’expropriation indirecte, Leyde, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, p. 33 et ss. .

On observe donc une déconnexion totale entre l’objectif des investissements étrangers – ce pourquoi les Etats sont incités à les encourager – et les instruments précisément mis en place pour les promouvoir. Ceux-ci sont entièrement dédiés à la protection des investissements, au détriment de la préservation des intérêts des Etats hôtes. Cette déconnexion apparaît d’autant plus manifeste à l’aune du vaste contentieux arbitral né de la mise en œuvre de ces accords et qui résulte, bien souvent, de plaintes des investisseurs cherchant à remettre en cause, en invoquant l’existence d’une expropriation indirecte, d’un traitement discriminatoire ou encore d’un traitement injuste et inéquitable, les mesures de réglementation adoptées par l’Etat d’accueil dans un but de protection de la santé, de l’environnement, des droits sociaux ou culturels 4Voir infra. . Certes, toutes les plaintes adressées aux tribunaux arbitraux n’aboutissent pas systématiquement à la condamnation de l’Etat. Loin de là 5Voir infra. ! Mais le seul fait qu’un Etat puisse être traduit en justice, qui plus est devant un tribunal arbitral transnational – un tribunal privé donc – et être exposé au risque de devoir indemniser les pertes subies par l’investisseur du fait de l’adoption de mesures d’intérêt général, suffit à entretenir l’idée qu’il y aurait quelque chose d’inconciliable entre la protection des intérêts de l’Etat et la protection des intérêts des investisseurs étrangers.

Pour tenter de réconcilier l’inconciliable, les développements qui suivent seront menés sous deux angles : le premier visera à déterminer dans quelle mesure les accords de promotion et de protection des investissements peuvent réellement constituer un obstacle à la mise en œuvre des politiques de développement durable des Etats hôtes (I) ; le second sera consacré à l’ébauche de certaines solutions permettant de faire en sorte que ces instruments soient davantage équilibrés et tiennent mieux compte des intérêts essentiels de ces derniers (II).

I. Les accords internationaux sur l’investissement et la préservation de la liberté normative de l’Etat hôte

Les accords de promotion et de protection des investissements ont été conclus, à partir des années 1970, dans un contexte socio-économique très particulier. Instruments de politique commerciale des Etats traditionnellement exportateurs de capitaux, ils visaient alors à protéger les investisseurs des pays du Nord contre les risques souverains auxquels ils étaient exposés en investissant dans les pays du Sud : arbitraire, spoliation, discrimination… La question essentielle qui guidait alors l’élaboration de ces instruments était celle de savoir comment protéger au mieux les investissements réalisés par les étrangers contre certains comportements abusifs de l’Etat hôte.

Aujourd’hui, c’est à un complet renversement de paradigme que l’on assiste, puisque la question essentielle qui traverse l’ensemble des réflexions portant sur le droit des investissements est celle de savoir comment préserver la souveraineté de l’Etat au regard de ses engagements pris dans le cadre des accords sur l’investissement international. Ce changement radical de perspective est très clairement apparu dès lors que certains Etats traditionnellement en position d’exportateurs des investissements, soucieux de protéger les intérêts de leurs nationaux à l’étranger, se sont retrouvés dans la situation d’Etat hôte dont les réglementations pouvaient être contestées par des investisseurs devant un tribunal arbitral et sur le fondement d’un accord sur l’investissement. Les premiers à avoir fait les frais de ce « retour de bâton » sont assurément les Etats-Unis et le Canada qui, à plusieurs reprises, se sont retrouvés en position de défendeur dans des contentieux initiés, sur le fondement du chapitre 11 de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), par des investisseurs étrangers cherchant à obtenir une indemnisation, au montant parfois indécent, pour les effets restrictifs de mesures adoptées dans le but de protéger la santé ou l’environnement. Quand on se souvient que le chapitre 11 a été inséré dans cet accord de 1994 dans le seul souci de protéger les investisseurs américains et canadiens au Mexique, ce retournement de situation apparaît des plus piquants.
Pour autant, bien que la préservation de la liberté normative de l’Etat soit devenue l’enjeu essentiel de la refonte du droit des investissements et qu’elle constitue la condition indispensable à une réconciliation entre les accords sur l’investissement international et l’objectif de développement durable, la question reste entière de savoir si ces accords constituent une véritable menace pour la souveraineté des Etats. En dépit des nombreuses affirmations en ce sens, c’est une réponse nuancée qu’il convient ici de formuler.

1. La réalité de la menace pesant sur la liberté normative de l’Etat hôte du fait de ses engagements en faveur de la protection des investissements étrangers

Il convient d’abord de souligner que l’essence même du pouvoir normatif de l’Etat ne peut aucunement être affectée par les accords sur l’investissement international. C’est un principe bien établi en droit international que « la conclusion d’un traité quelconque, par lequel un Etat s’engage à faire ou ne pas faire quelque chose » ne constitue en aucun cas un « abandon de souveraineté ». Même si la conclusion de cet accord entraîne une restriction de l’exercice de certains droits de l’Etat, « la faculté de contracter des engagements internationaux est précisément un attribut de la souveraineté de l’Etat 6Cour permanente de justice internationale, Affaire du vapeur « Wimbledon », arrêt du 17 août 1923, Rec. Série A, p. 25. ».

Ce principe vaut bien évidemment en droit des investissements internationaux, d’autant plus que, même lorsque les Etats s’engagent dans de tels instruments, ils restent parfaitement libres de circonscrire la portée de leurs engagements. En effet, il n’existe pas, en droit international général, de principe de liberté de l’investissement et dans la mesure où les accords sur l’investissement ne portent, en général, pas sur les conditions d’établissement ou d’admission des opérateurs étrangers7En réalité, on fait traditionnellement la distinction entre le modèle américain de TBI qui étend à la phase pré-investissement la clause du traitement national et le modèle européen qui réserve le traitement national une fois les investissements réalisés dans les seules conditions posées par la législation de l’Etat d’accueil. A priori, le modèle américain est plus favorable à la libéralisation des investissements mais les accords conclus sur la base de ce modèle sont en général assortis d’exceptions qui limitent très largement la portée du principe de non-discrimination entre les investissements nationaux et les investissements étrangers. De fait, les deux types de modèles permettent de parvenir à un même niveau de libéralisation, qui reste tributaire des politiques nationales des Etats d’accueil. , les Etats restent parfaitement maîtres du degré d’ouverture de leur économie nationale. En d’autres termes, les Etats peuvent parfaitement restreindre l’accès des investisseurs étrangers à certains secteurs d’activité qu’ils considèrent comme sensibles ou qu’ils souhaitent réserver aux opérateurs nationaux (éducation, santé, culture, énergie, télécommunication…) (Sur les tendances de l’ouverture des économies nationales aux investisseurs étrangers, voir les rapports annuels de la CNUCED, World Investment Report. Celui de 2014 vient d’être publié sur le site Internet de la CNUCED. ))(. En outre, les Etats engagés dans un accord sur l’investissement international disposent toujours de la faculté d’exclure du champ d’application de l’accord certaines mesures de réglementation pour lesquelles ils ne souhaitent pas être soumis aux disciplines du droit des investissements. L’exemple le plus répandu est celui des mesures fiscales. Il n’est pas rare de rencontrer des accords qui mettent en place un « filtre » ou une possibilité de « veto » pour les mesures fiscales, permettant à l’Etat concerné de s’opposer à la contestation de telles mesures devant un tribunal arbitral 8Voir par exemple article 2103(1) de l’ALENA ; article 21 du traité sur la Charte de l’énergie ; article 21 du modèle de traité bilatéral sur l’investissement des Etats-Unis adopté en 2012.. Ce type de restriction se justifie par le fait que le pouvoir de l’Etat d’adopter des mesures fiscales est considéré comme le droit souverain par excellence 9Conoco c. Venezuela, ICSID ARB/07/30, décision sur la compétence et le fond, 3 septembre 2013, § 299 ; § 312 (www.italaw.com).et que la survie même de l’Etat en dépend . Mais il ne s’agit pas là du seul exemple de restriction de la portée des accords sur l’investissement. Suite à la crise financière qui a débuté en 2007, plusieurs Etats ont ainsi décidé de ménager un régime particulier aux mesures prudentielles adoptées dans le domaine de la régulation bancaire et financière 10On peut ici relever l’exemple du modèle de TBI adopté par la Colombie en 2007. L’article II exclut du champ d’application matériel de l’accord deux types de mesure : le premier concerne les mesures fiscales ; le second les mesures prudentielles dans le domaine financier. Sur la base de ce modèle, la Colombie a signé, depuis 2007, cinq TBI avec la Chine, l’Inde, le Japon, le Royaume-Uni et le Pérou. Chacun de ces accords contient des dispositions qui portent spécifiquement sur les mesures prudentielles. Si la formule retenue est très en deçà de ce que le modèle colombien prévoit, puisqu’il ne s’agit pas d’exclusion pure et simple mais de clause de non-préjudice, cet exemple montre bien que les Etats peuvent moduler leurs engagements. .

Sans qu’il soit nécessaire de multiplier ici les exemples, il apparaît donc clairement que les Etats restent libres de s’engager ou non dans des instruments susceptibles d’entraver l’exercice de leur liberté normative. Il est vrai toutefois que la conclusion des accords de promotion et de protection des investissements, le plus souvent dans un cadre bilatéral, est extrêmement tributaire du rapport du force, économique et politique, qui existe entre les Etats partenaires, de sorte que la marge de manœuvre de certains s’en trouve très largement affaiblie. Cependant, si c’est cette réalité qui a caractérisé la conclusion des accords de premières générations – ceux conclus avant les années 2000 et qui sont de loin les plus nombreux – force est de constater que ces rapports de force ont aussi très largement évolué. Sans aller jusqu’à dire qu’une égalité parfaite prévaut désormais dans le jeu des négociations internationales dans le domaine des investissements, on peut relever que les Etats en développement et les Etats en transition qui, longtemps, ont été contraints d’accepter les conditions posées par les Etats développés, sont dorénavant des acteurs à part entière, parfois quasiment aussi influents que les Etats les plus économiquement forts, dans l’élaboration du droit international des investissements 11Preuve de ce regain de pouvoir des Etats en développement et des Etats en transition dans le jeu des négociations internationales : un certain nombre d’entre eux disposent désormais de leur propre modèle de TBI. Les pays développés ne sont donc plus les seuls à disposer d’un tel instrument qui, dans bien des cas, leur permettait d’imposer à leurs partenaires économiques un accord « clé-en-main » sans possibilité de négociation réelle des clauses qu’il contenait. On peut aussi rappeler que ce sont les pays en développement qui ont été à l’origine de l’abandon, en 2003, à l’OMC, des « questions de Singapour » dans le programme de négociation de Doha. Or, parmi ces questions figurait la négociation d’un accord portant spécifiquement sur l’investissement (l’Accord sur les mesures concernant l’investissement et liées au commerce – AMIC – n’ayant qu’une portée très limitée). .

Mais il convient encore de relativiser la liberté dont disposent tous les Etats dans la détermination de la portée de leurs engagements internationaux en matière de droit des investissements à l’aune de l’existence d’un mouvement de libéralisation irrésistible aussi bien pour les Etats développés que pour les Etats en développement. Il est d’ailleurs remarquable que cette dynamique de libéralisation soit, aujourd’hui, en très grande partie, entretenue par des instruments destinés à promouvoir le développement durable. Pour ne citer qu’un seul exemple, on peut se référer aux travaux de la CNUCED et plus spécialement au Cadre pour les politiques d’investissement au service du développement durable, adopté en 2012, qui recommande aux Etats, entre autres disciplines censées encourager l’investissement durable, de mettre en place un haut degré d’ouverture de leur marché national, de limiter les contrôles et restrictions à l’entrée sur leur territoire, d’assurer la liberté des transferts de fonds ou encore de promouvoir la liberté contractuelle 12UNCTAD, World Investment Report, Investment Policy Framework for Sustainable Development, 2012, p. 28 et ss. . À cette dynamique libérale correspond la nécessité de protéger les investissements étrangers, afin que la circulation de ceux-ci ne soit pas entravée par des risques politiques ou souverains. C’est pour cette raison que les Etats concluent, parfois de manière abondante, des accords qui sont particulièrement protecteurs des investissements étrangers et qui, donc, encadrent très étroitement l’exercice de leur liberté normative.

2. Le caractère déséquilibré des accords sur la promotion et la protection des investissements internationaux

L’objectif des accords sur l’investissement international est tout à la fois de promouvoir les flux d’investissements et de protéger les investissements étrangers contre certains risques souverains. C’est toutefois essentiellement ce second objectif qui se trouve au cœur des dispositions qui caractérisent les accords sur l’investissement, l’objectif de promotion étant censé découler de l’engagement des Etats de protéger les avoirs économiques des opérateurs étrangers sur leur territoire13Dans les accords de dernière génération, on trouve toutefois des instruments qui mettent davantage l’accent sur l’objectif de promotion. On peut par exemple citer l’ASEAN Comprehensive Investment Agreement, conclu en 2009 et entré en vigueur en 2012, qui vise clairement à renforcer le volet promotion des engagements des Etats membres de l’ASEAN dans le domaine de l’investissement. . Ainsi, ces instruments s’articulent autour d’un faisceau de dispositions clés que l’on retrouve (quasi) systématiquement dans tous les accords. Il s’agit des standards de traitement et de protection que sont le traitement juste et équitable, la pleine et entière protection et sécurité, le principe de non-discrimination (qui, souvent, se décline en règle du traitement national et en règle du traitement de la nation la plus favorisée), l’interdiction des comportements arbitraires, voire déraisonnables, la protection contre toute forme d’expropriation directe et indirecte et, surtout, l’accès à l’arbitrage international, cette dernière garantie permettant de rendre véritablement effectives toutes les autres garanties substantielles accordées aux investisseurs étrangers.

En somme, les accords sur l’investissement international peuvent se résumer à une accumulation de droits consentis aux investisseurs étrangers, dont certains équivalent à de véritables privilèges exorbitants (c’est le cas de l’accès à un tribunal international sans que ne soit toujours requis l’épuisement des voies de recours internes 14On peut aussi qualifier de privilège exorbitant le droit d’obtenir réparation en cas de mesures d’effet équivalant à l’expropriation, quand, dans la plupart des ordres juridiques internes, les opérateurs nationaux ne bénéficient pas de protections aussi étendues. Ainsi, aux Etats-Unis, certaines sphères politiques et académiques se sont indignées du fait que la propriété des investisseurs étrangers pouvait être, en vertu de l’article 1110 de l’ALENA, mieux protégée que la propriété des ressortissants américains. Dans le Trade Act de 2002, le Congrès a d’ailleurs donné comme consigne aux négociateurs des futurs accords engageant les Etats-Unis de veiller à « ensuring that foreign investors in the United States are not accorded greater substantive rights with respect to investment protections than United States investors in the United States », Trade Act adopté en 2002, section 2102 (b) (3, document disponible à l’adresse Internet suivante : http://www.twnsideorg.sg/title2/FTAs/General/USBipartisanTradePromotionAuthorityActFromp993.pdf). ), auxquels correspondent autant d’obligations à la charge des Etats hôtes. Le caractère déséquilibré des accords sur l’investissement, fréquemment dénoncé, ne peut donc être sérieusement contesté. On se souviendra d’ailleurs qu’il est l’une des causes principales de l’échec des négociations de l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) au sein de l’OCDE, alors même que le texte du projet, dans la dernière version à laquelle étaient parvenus les négociateurs, n’était pas fondamentalement différent de la substance des milliers d’accords qui sont actuellement en vigueur 15Les documents de négociation de l’AMI peuvent être consultés sur le site Internet de l’OCDE à l’adresse suivante : http://www.oecd.org/fr/investissement/accordssurlinvestissementinternational/accordmultilateralsurlinvestissement.htm..
En revanche, le déséquilibre, voire le parti pris, dont est souvent taxée la jurisprudence arbitrale, est beaucoup plus discutable. En effet, le recours à l’arbitrage qui permet aux investisseurs étrangers d’échapper à la compétence des tribunaux de l’Etat hôte est couramment pointé du doigt comme l’instrument de l’exacerbation du déséquilibre inhérent aux accords sur l’investissement international. Entre autres critiques adressées aux arbitres, ceux-ci, en tant que juges privés, ne seraient pas légitimes à exercer un contrôle sur les mesures de réglementation adoptées souverainement par les Etats ; ils auraient tendance à privilégier les intérêts des investisseurs étrangers, au détriment de ceux de l’Etat, et ils contribueraient à entretenir l’opacité du système. L’expérience montre que ces critiques sont très largement injustes et infondées puisque la jurisprudence arbitrale est relativement équilibrée et les investisseurs étrangers sont très loin d’obtenir toujours satisfaction auprès des arbitres 16En 2005, au plus fort des critiques adressées à l’arbitrage en matière d’investissement, le directeur du CIRDI notait que, de manière générale, la proportion des sentences rendues en faveur de l’investisseur et celles rendues en faveur de l’Etat était de 50 – 50. Voir R. Dañino, « Opening Remarks », symposium co-organisé par le CIRDI, l’OCDE et la CNUCED, Making the Most of International Investment Agreements : A Common Agenda, 12 décembre 2005, p. 3, document électronique (www.oecd.org). Par ailleurs, lorsque les tribunaux statuent en faveur de l’investisseur, l’indemnisation octroyée est généralement bien moins importante que celle initialement réclamée. Voir R. Erdsall, « Indirect Expropriation under NAFTA and DR-CAFTA : Potential Inconsistencies in the Treatment of State Public Welfare Regulations », Boston ULR, 2006, p. 939..

Toutefois, une autre critique récurrente, qu’il est plus difficile de rejeter, porte sur le caractère fluctuant, parfois contradictoire, de cette jurisprudence. Mais là encore, ce n’est pas tant le mode arbitral du règlement des différends qui doit être mis en cause que la substance des accords que les arbitres sont tenus de faire appliquer. L’inconstance de la jurisprudence tient de fait à la très grande imprécision des accords sur l’investissement. Ceux-ci ne donnent, en général, aucune indication quant à la signification du traitement juste et équitable, quant à l’environnement dans lesquelles un investisseur étranger peut prétendre aux mêmes conditions d’activité qu’un opérateur local ou quant aux mesures qui peuvent tomber sous le coup de la qualification de mesures d’effet équivalant à l’expropriation. Dès lors, face à ces standards pour le moins imprécis et à leur signification souvent équivoque (qu’est-ce qu’un traitement équitable ?), les arbitres se trouvent en position de contribuer eux-mêmes à clarifier le sens de ces dispositions. N’étant pas liés par la règle du précédent, les tribunaux arbitraux peuvent alors retenir, en fonction des différentes méthodes interprétatives appliquées, des conceptions plus ou moins étendues de la protection due aux investisseurs étrangers, certaines formations arbitrales ayant favorisé, il est vrai, une lecture excessive de certains standards 17On pense ici en particulier aux tribunaux qui se sont prononcés sur les contentieux nés de la crise en Argentine et qui ont reconnu à la clause de traitement juste et équitable des effets proches d’une clause de stabilisation. Voir S. Robert-Cuendet, Droits de l’investisseur étranger et protection de l’environnement…, op. cit., p. 376 et ss. . Pour autant, le caractère fluctuant de la jurisprudence doit également être relativisé. Bien qu’hésitante en raison de l’ébullition qui a suivi l’explosion du contentieux au début des années 2000, la jurisprudence s’est, depuis, très largement affermie et a assez clairement balisé les contours des principaux standards de traitement et de protection. Ainsi sait-on par exemple qu’une expropriation indirecte ne peut être constatée qu’à la condition que l’activité économique de l’investisseur étranger ait été totalement anéantie ou encore que seul un comportement arbitraire, irrationnel, imprévisible ou discriminatoire est supposé pouvoir être contesté sur le fondement du traitement juste et équitable.

Les errements de la jurisprudence se sont toutefois déplacés sur le terrain du standard d’examen des mesures de réglementation contestées. Rien n’indique, dans les accords sur l’investissement, comment les tribunaux doivent apprécier la normalité de ces mesures et comment ils peuvent déterminer, le cas échéant, si certaines d’entre elles constituent des atteintes injustifiées à l’activité des investisseurs étrangers. Dès lors, plusieurs approches alternatives sont aujourd’hui retenues par les tribunaux 18Voir Ch. Brown, « Procedure in Investment Treaty Arbitration and the Relevance of Comparative Public Law », in S. Schill, International Investment Law and Comparative Public Law, Oxford, OUP, 2010, p. 708.. Certains se réfèrent au principe général de bonne foi qui innerve l’ensemble du droit international public. D’autres s’inspirent du test de proportionnalité ou de la doctrine de la marge d’appréciation tels qu’appliqués par la Cour européenne des droits de l’homme. D’autres encore puisent dans la jurisprudence des organes de jugement de l’OMC pour appliquer un mécanisme proche du test de nécessité commandé par l’article XX de l’Accord général sur le commerce des marchandises (exceptions générales). D’autres encore empruntent aux mécanismes de droit interne les standards qui leur permettent de contrôler la légalité des mesures de réglementation des Etats 19Sur ce point, voir la recherche menée par S. Schill, International Investment Law and Comparative Public Law, op. cit. .
En fonction du standard d’examen retenu, l’intensité de l’immixtion du contrôle dans l’appréciation des choix réglementaires opérés par l’Etat varie. Or, cette variation, d’un traité à un autre et d’un tribunal arbitral à un autre, est telle que les Etats sont placés dans une véritable situation d’incertitude juridique, puisqu’il leur est pratiquement impossible d’évaluer la manière dont leur réglementation pourrait être perçue, dans le cadre du droit des investissements.

Cette insécurité juridique peut constituer un frein à la mise en œuvre des politiques de développement durable des Etats. Cela est d’autant plus vrai que l’arbitrage transnational offert par les traités d’investissement peut être utilisé, par les investisseurs, comme une véritable arme de dissuasion à l’adresse des Etats.

3. L’utilisation offensive des accords sur l’investissement international dans le cadre du contentieux arbitral

L’important contentieux arbitral qui s’est développé en droit des investissements a trait, en grande partie, à des mesures de réglementation prises dans un but de protection de l’environnement, de la santé ou encore des droits socioculturels. Parmi les contentieux en cours, on peut par exemple citer les affaires Philip Morris c. Australie et Philip Morris c. Uruguay 20Philip Morris Asia Limited c. Australie, CPA, affaire no 2012-12, requête du 22 juin 2011 ; Philip Morris Brands Sàrl, Philip Morris Products S.A. et Abal Hermanos S.A. c. Uruguay, CIRDI, affaire ARB/10/7, requête du 29 février 2010.qui mettent en cause les politiques de santé publique des deux Etats ; l’affaire Vattenfall c. Allemagne 21Vattenfall AB et autres c. République fédérale d’Allemagne, CIRDI, affaire no ARB/12/12, requête du 31 mai 2012.en lien avec la décision du gouvernement allemand de sortir progressivement de l’énergie nucléaire ; l’affaire Lone Pine c. Canada 22Lone Pine Resources Inc. c. Canada, procédure CNUDCI, requête du 6 septembre 2013. relative au moratoire canadien sur l’exploitation des gaz et pétrole de schiste ; ou encore la succession de plaintes contre plusieurs Etats européens 23L’Espagne, l’Italie, la République tchèque et dernièrement la Bulgarie. au sujet de la modification de leur législation relative à l’énergie solaire photovoltaïque 24Sur ce contentieux, voir V. Jha, « Les tendances des réclamations des investisseurs concernant les tarifs de rachat garantis dans les énergies renouvelables », IISD, Investment Treaty News Quarterly, no 4, vol. 2, juillet 2012 (http://www.iisd.org/pdf/2012/iisd_itn_july_2012_fr.pdf).. Parmi les contentieux désormais clos devant les tribunaux arbitraux, certaines affaires, même si elles n’ont pas abouti à la condamnation de l’Etat, ont également contribué à attiser les inquiétudes à l’égard du droit des investissements. La fameuse affaire des Pyramides, qui a opposé un investisseur hongkongais à l’Egypte et qui avait trait à la décision du gouvernement égyptien de renoncer à un projet immobilier au pied des pyramides du plateau de Guizeh en raison des risques de dénaturation du site que le projet aurait entraîné, a été l’une des premières à attirer l’attention des commentateurs sur ce pan du droit international économique 25Le différend a d’abord été porté à la connaissance d’un tribunal CCI. Il a ensuite été tranché par un tribunal CIRDI. Voir la sentence sur le fond Southern Pacific Properties (Middle East) Limited (SPP) c. République arabe d’Egypte, Aff. no ARB/84/3, du 20 mai 1992, ICSID Rep., vol. 3, p. 189 et ss. . Quelques années plus tard, dans le cadre de l’ALENA, les affaires Metalclad c. Mexique 26Metalclad Corporation c. Etats-Unis du Mexique, Aff. no ARB(AF)/97/1, sentence du 30 août 2000 ; ICSID Rep., vol. 5, p. 212-235 et ICSID Rev. – FILJ, 2001, p. 168 et ss. relatives au refus d’un permis d’exploitation motivé par les risques environnementaux présentés par l’installation industrielle de l’investisseur, Methanex c. Etats-Unis 27Methanex c. Etats-Unis d’Amérique, décision partielle du 7 août 2002 ; ICSID Rep., vol. 7, p. 239 et ss et sentence du 9 août 2005 (www.italaw.com). au sujet de l’interdiction par la Californie d’un additif à l’essence considéré comme extrêmement polluant et nocif ou encore l’affaire Glamis Gold c. Etats-Unis 28Glamis Gold, Ltd. c. Etats-Unis, CNUDCI, sentence du 8 juin 2009 (www.italaw.com). au sujet de la décision de mettre un terme à un projet d’exploitation d’une mine d’or à ciel ouvert pour préserver les sites cultuels indiens situés à proximité du chantier ont exacerbé les critiques, même si seul le Mexique a été condamné pour avoir adopté une mesure qui, en réalité, visait davantage à nuire à l’investisseur étranger qu’à protéger l’environnement. En dehors de l’ALENA, les cas d’espèce pourraient également être multipliés à l’envi.

Cet aperçu rapide ne saurait rendre compte, à lui seul, de la menace qui pèse réellement sur la liberté normative de l’Etat puisque, comme on l’a précédemment relevé, ce dernier n’est pas systématiquement condamné et les tribunaux arbitraux n’hésitent pas à rejeter toutes les allégations de l’investisseur quand il apparaît que la plainte est manifestement infondée ou, qu’en dépit de l’effet restrictif d’une mesure de réglementation, son objectif légitime ne permet pas de la censurer sur le fondement d’un accord sur l’investissement 29Sauf dans le cas où ses effets aboutissent à un anéantissement total de l’activité de l’investisseur et que la mesure peut alors être qualifiée de mesure d’effet équivalent à l’expropriation. . Toutefois, la multiplication des plaintes et l’objet du contentieux arbitral montrent très clairement que l’arbitrage international est aujourd’hui utilisé comme une arme offensive par les investisseurs à l’encontre des Etats.

Avant d’aller plus avant dans cette démonstration, une précision d’importance doit ici être faite : en droit des investissements internationaux, l’Etat hôte n’est jamais empêché de réglementer, exproprier, adopter des mesures restrictives ni, plus généralement, d’adopter des mesures d’intérêt général. Même lorsqu’il est condamné par un tribunal arbitral du fait de la contrariété de sa réglementation avec ses obligations conventionnelles internationales, l’Etat n’est jamais obligé de renoncer à la mise en œuvre des politiques publiques litigieuses. Le contentieux de l’investissement est en effet un contentieux indemnitaire par lequel l’investisseur cherche, en principe, uniquement à obtenir une indemnisation pour les dommages subis du fait de la mise en œuvre de certaines mesures restrictives. La situation est bien différente dans certains autres pans du droit international et devant certaines autres juridictions internationales – par exemple devant l’Organe de règlement des différends de l’OMC ou la Cour européenne des droits de l’homme –, où, en cas d’illicéité de la mesure, l’Etat peut être obligé de retirer la mesure litigieuse30En réalité, les tribunaux arbitraux intervenant dans le contentieux de l’investissement disposent de pouvoirs d’injonction qui pourraient leur permettre d’ordonner à l’Etat de retirer la mesure litigieuse. Voir Ch. Schreuer, « Non-Pecuniary Remedies in ICSID Arbitration », Arbitration International, no 4, 2004, p. 325-332. Il est toutefois extrêmement rare qu’un investisseur étranger demande, en guise de réparation, le retrait de la mesure. Cela tient notamment au fait que lorsque l’investisseur en vient à saisir un tribunal arbitral pour trancher le différend qui l’oppose à l’Etat hôte, la situation entre les deux parties s’est dégradée de manière irréversible. Il devient alors vain d’espérer pouvoir reprendre des relations économiques dans des conditions normales. Voir sur cette question CNUCED, Différends entre investisseurs étrangers et Etat : prévention et modes de règlement autres que l’arbitrage, Nations unies, New York, Genève, 2010, 137 p. passim.. En cela, ces autres mécanismes de contrôle de l’activité normative des Etats sont plus attentatoires à leur souveraineté que ne l’est le droit des investissements internationaux.

Dans les faits cependant, on sait que la situation est tout autre. La condamnation d’un Etat à verser d’importants dommages et intérêts pour les conséquences dommageables d’une mesure de réglementation peut avoir le même effet qu’une annulation de cette mesure, voire un effet plus dévastateur encore 31Dans une décision du 22 mai 2012, dans l’affaire Mobil Investment Canada Inc. et Murphy Oil. Corp. c. Canada, le tribunal a accepté l’argument de l’investisseur selon lequel l’Etat devait être condamné à verser une indemnisation pour les dommages futurs, dans le cas où la réglementation litigieuse impose des obligations trop lourdes aux investisseurs. Jusqu’alors, la question de l’indemnisation du manque à gagner ne se posait que dans le cadre d’une expropriation. Cette décision, si elle faisait jurisprudence, pourrait être lourde de conséquences. Affaire CIRDI ARB(AF)/07/4, décision sur la responsabilité et le principe du montant de l’indemnisation, §§ 427-430 (www.italaw.com).. C’est donc le risque financier, qui découle d’un éventuel arbitrage, qui hypothèque lourdement la liberté normative de l’Etat et qui peut le dissuader de réglementer, même en faveur du développement durable 32Il faut préciser que la capacité financière de l’Etat n’a jamais été considérée, en droit international, comme un facteur pertinent pour moduler l’obligation d’indemnisation qui pèse sur lui en cas d’expropriation. A fortiori, le pouvoir de payer de l’Etat ne peut être pris en considération dans l’appréciation de son comportement au regard des autres standards de traitement et de protection des investisseurs étrangers.. La seule évocation des deux affaires Philip Morris suffit à s’en convaincre. Plusieurs Etats ont aujourd’hui pour projet d’adopter une législation similaire à celle qui a été mise en œuvre en Australie et en Uruguay il y a quelques mois (la banalisation des paquets de cigarettes pour endiguer le tabagisme chez les populations les plus jeunes) et qui bénéficie d’ailleurs du soutien de l’Organisation mondiale de la santé 33Entre autres exemples, le gouvernement français devrait déposer, à l’automne 2014, un nouveau projet de loi relatif à la politique de santé qui pourrait envisager de mettre en place une telle mesure de banalisation des paquets de cigarettes. Voir « Loi anti-tabac : “paquets neutres” et e-cigarettes interdites de lieux publics », Les Echos, 30 mai 2014.. Mais ces projets peuvent être contrariés par l’issue des différends en cours. La Nouvelle-Zélande a ainsi annoncé qu’elle attendrait le dénouement des arbitrages pour concrétiser ses projets de politiques sanitaires qui vont en ce sens. Quelques années plus tôt, c’est le Canada qui avait renoncé à une législation identique, face à la menace de l’entreprise américaine R.J. Reynolds de recourir à l’arbitrage dans le cadre de l’ALENA pour contester la mesure 34De même, la société Philip Morris a eu recours à l’arbitrage pour faire pression sur la province d’Ottawa qui voulait empêcher l’utilisation des appellations « légères » et « douces » sur les paquets de cigarettes en raison de leur information trompeuse quant aux conséquences nocives du tabac pour la santé. Là aussi le projet de réglementation a finalement été abandonné. A. Depalma, « Quand les entreprises imposent leur loi aux Etats », Courrier international, 19 avril 2001..

En cela, les accords sur l’investissement international peuvent donc constituer un véritable frein à la mise en œuvre des politiques publiques en faveur du développement durable. Cela ne tient pas uniquement aux accords eux-mêmes mais à la manière dont ils sont utilisés par certains investisseurs et, probablement, à une connaissance encore très insuffisante du contentieux de l’investissement qui nourrit les critiques fantasmagoriques et fait croire à un mécanisme de règlement des différends tout entier acquis aux seuls intérêts des investisseurs privés. C’est dire que la réforme du mécanisme de règlement des différends est au cœur des discussions actuelles sur l’évolution souhaitée et souhaitable des accords sur l’investissement international. Il ne s’agit toutefois pas de la seule voie qui peut être envisagée pour moderniser ces instruments et faire en sorte qu’ils servent davantage l’objectif de développement durable.

II. La modernisation du droit des investissements : vers une meilleure prise en compte de l’objectif de développement durable

L’une des caractéristiques les plus frappantes des accords sur l’investissement tient au fait que ceux-ci ont très peu évolué, tant dans leur forme que dans leur substance, depuis les premiers instruments adoptés au début des années 1970. Pourtant, la configuration des échanges internationaux économiques s’est profondément transformée et les flux d’investissements, qui avaient initialement conditionné l’objet même des accords de protection des investissements, se sont eux-mêmes très largement complexifiés. Ils ne sont plus uniquement des flux nord-nord ou nord-sud. De nombreux investisseurs en provenance des pays en développement ou en transition s’installent désormais à l’étranger pour y développer leur activité économique (dans le cadre de flux sud-sud ou sud-nord) 35Voir les statistiques établis chaque année par la CNUCED dans ses rapports World Investment Report. On y trouve aussi des informations indiquant que parmi les plus puissantes multinationales se trouvent désormais des entreprises issues de pays en développement et de pays en transition. .

En réalité, depuis une dizaine années, on observe un mouvement de réformation des accords sur l’investissement internationaux, d’abord initiés par quelques Etats puis relayés par certaines organisations internationales telles la CNUCED et l’OCDE. Cet effort de modernisation n’a pas encore permis de résorber complètement le déséquilibre inhérent à ces instruments. Il est toutefois propice à une re-conceptualisation du droit des investissements de sorte de réconcilier ce pan du droit international économique avec le principal objectif qui lui a été assigné : celui d’être le principal vecteur du développement durable. Les propositions en ce sens sont extrêmement nombreuses. Elles émanent des Etats, des organisations internationales, des universitaires ou encore de la société civile. On se contentera d’en ébaucher ici trois qui, plutôt qu’être alternatives, sont en réalité complémentaires.

1. La réécriture des accords sur la protection et la promotion des investissements

La première solution envisageable est celle qui consiste à réécrire (refashioning diraient certains commentateurs anglophones) les accords sur la protection et la promotion des investissements. Comme on l’a précédemment relevé, ce travail a déjà été, en partie, entrepris par certains Etats. Il a donné lieu à une toute nouvelle génération d’accords sur l’investissement qui tient mieux compte des intérêts des Etats hôtes.

Les premiers Etats à s’être engagés dans cette voie sont les Etats-Unis et le Canada qui, échaudés par les contentieux noués à leur encontre dans le cadre de l’ALENA et inquiets de certaines interprétations émises par les tribunaux arbitraux, ont chacun adopté, en 2004, un nouveau modèle de traité bilatéral sur l’investissement 36Le modèle américain de 2004 peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.state.gov/documents/organization/117601.pdf. Pour une analyse détaillée des innovations introduites par ce modèle, voir P. Juillard, « Le nouveau modèle américain de traité bilatéral sur l’encouragement et la protection réciproque des investissements (2004) », AFDI, 2004, p. 669-682. Le modèle canadien de 2004 peut être consulté à l’adresse suivante : http://italaw.com/documents/Canadian2004-FIPA-model-en.pdf. Sources des modèles 2004.qu’ils ont d’ailleurs, depuis, eu l’occasion de perfectionner à nouveau 37Le modèle américain de 2012 peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.ustr.gov/sites/default/files/BIT%20text%20for%20ACIEP%20Meeting.pdf.. Par la suite, de nombreux autres Etats, y compris des Etats en développement, ont adopté leur propre modèle de TBI qui s’inspirent de ces deux initiatives pionnières. On peut également mentionner que c’est désormais une préoccupation essentielle des institutions européennes de négocier des instruments de réglementation des investissements qui préservent autant les droits des investisseurs que ceux des Etats hôtes 38Voir notamment communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Vers une politique européenne globale en matière d’investissements internationaux, 7 juillet 2010, COM(2010)343final ; Conseil de l’Union européenne, Conclusions sur une politique européenne globale en matière d’investissements internationaux, 25 octobre 2010 ; résolution du Parlement européen du 6 avril 2011 sur la future politique européenne en matière d’investissements internationaux (2010/2203(INI.)). Cette vague de réformation s’est encore amplifiée après que les préoccupations de ces Etats se sont répercutées dans les politiques menées par certaines organisations internationales. Le Cadre pour les politiques d’investissement au service du développement durable adopté par la CNUCED recommande ainsi aux Etats l’insertion, dans leurs accords sur l’investissement, de certaines clauses spécifiques directement inspirées de celles que l’on trouve dans les TBI conclus par les Etats ayant adopté des modèles d’accord de dernière génération39UNCTAD, World Investment Report, Investment Policy Framework for Sustainable Development, 2012. .
Quels changements apportent concrètement ces nouveaux accords ? Ils sont principalement de trois ordres.

La plupart de ces accords, tout d’abord, définissent désormais plus précisément les standards de protection et de traitement des investissements, avec pour objectif évident de mieux guider le travail interprétatif des arbitres40De manière générale, les TBI de dernière génération sont des instruments bien plus complets et détaillés que ne le sont les TBI traditionnels. Pour s’en convaincre, il suffit de procéder à une analyse comparée des plus triviales : les nouveaux modèles de TBI américain et canadien font désormais une cinquantaine de pages, tandis que le modèle français adopté en 2006, qui ne contient que d’infimes changements par rapport aux premiers instruments conclus par la France dans les années 1970-1980, tient en six pages.. Ainsi trouve-t-on dans les nouveaux accords américains et canadiens une clause de traitement juste et équitable qui prévoit que « [l]es concepts de “traitement juste et équitable” et de “protection et sécurité intégrales” […] n’exigent pas un traitement supplémentaire ou supérieur à celui prescrit par la norme minimale de traitement des étrangers en droit international coutumier » et une annexe explicative des clauses relatives à l’expropriation qui précise que :
« sauf dans de rares cas, tels ceux où une mesure ou une série de mesures sont si rigoureuses au regard de leur objet qu’on ne peut raisonnablement penser qu’elles ont été adoptées et appliquées de bonne foi, ne constitue pas une expropriation indirecte de la mesure non discriminatoire d’une Partie qui est conçue et appliquée dans un but de protection légitime du bien-être public concernant, par exemple, la santé, la sécurité et l’environnement 41Voir aussi l’article VI c. du modèle de TBI colombien adopté en 2007.».

Ces nouveaux accords contiennent également des clauses permettant de revaloriser les droits de l’Etat hôte. Il ne s’agit pas là de clauses nouvelles puisqu’on les trouvait déjà dans certains traités sur l’investissement conclus dans les années 1990. Mais elles sont désormais plus fréquentes. Il peut s’agir de clauses rappelant le droit de l’Etat de réglementer dans un but d’intérêt général. Ainsi l’article VIII du modèle de TBI colombien, adopté en 2007, précise-t-il que :
« [n]othing in this Chapter shall be construed to prevent a Party from adopting, maintaining, or enforcing any measure that it considers appropriate to ensure that an investment activity in its territory is undertaken in accordance with the environmental law of the Party, provided that such measures are proportional to the objectives sought 42Voir aussi l’article 1114 al. 1 de l’ALENA. ».
Il peut s’agir de clauses appelées « clauses de non-abaissement » des normes sociales et environnementales selon lesquelles
« [l]es Parties reconnaissent qu’il n’est pas approprié d’encourager l’investissement en adoucissant les mesures nationales qui se rapportent à la santé, à la sécurité ou à l’environnement. En conséquence, une Partie ne devrait pas renoncer ni déroger, ou offrir de renoncer ou de déroger, à de telles mesures dans le dessein d’encourager l’établissement, l’acquisition, l’expansion ou le maintien sur son territoire d’un investissement effectué par un investisseur. La Partie qui estime qu’une autre Partie a offert un tel encouragement pourra demander la tenue de consultations, et les deux Parties se consulteront en vue d’éviter qu’un tel encouragement ne soit donné 43Formulation retenue à l’article 1114 al. 2 de l’ALENA. ».
Il peut encore s’agir de clauses d’exceptions générales directement inspirées de l’article XX de l’Accord général sur le commerce des marchandises de l’OMC. Par exemple, l’article 18 al. 1 du nouveau modèle de TBI canadien 44Le Canada est le premier à avoir eu recours aux clauses d’exceptions générales dans certains de ses TBI conclus dans les années 1990. prévoit que :
« [p]our l’application du présent accord :
a) chacune des Parties peut adopter ou appliquer les mesures nécessaires, selon le cas :
i) à la protection de la santé ou de la vie des personnes ou des animaux, ou à la préservation des végétaux,
ii) pour assurer le respect de son droit interne qui n’est pas incompatible avec le présent accord,
iii) à la conservation des ressources naturelles épuisables, qu’elles soient biologiques ou non biologiques ;
b) pourvu que les mesures visées au sous-paragraphe a) ne soient pas, selon le cas :
i) appliquées de façon à constituer un moyen de discrimination arbitraire ou injustifiable entre les investissements ou entre les investisseurs,
ii) une restriction déguisée à l’investissement ou au commerce international ».

La portée de ces clauses est très incertaine. Il n’est pas évident qu’elles permettent à un Etat d’adopter une mesure de protection de l’environnement qui soit restrictive de l’activité d’un investisseur étranger sans s’exposer à l’obligation d’indemniser les dommages qui en découlent. Ainsi, en précisant que les mesures légitimes ne peuvent être qualifiées d’expropriation indirecte, « sauf dans de rares cas », les clauses relatives à l’expropriation laissent entendre qu’en cas de mesure qui anéantit totalement l’investissement de l’opérateur étranger, celui-ci peut tout de même prétendre à une indemnisation. De même, la plupart des autres clauses sont « sans préjudice » des autres dispositions de l’accord, ce qui laisse entière la question de l’articulation de ces dispositions entre elles 45Pour des développements plus détaillés sur l’efficacité de ces clauses, voir S. Robert-Cuendet, Droits de l’investisseur étranger et protection de l’environnement…, op. cit., p. 47 et ss. . Il n’en reste pas moins qu’il s’agit de premiers pas vers une meilleure prise en compte des intérêts de l’Etat. L’économie générale des accords sur l’investissement s’en trouve profondément modifiée puisque la protection due aux investisseurs étrangers n’est plus appréhendée en termes absolus.

Enfin, la refonte des accords sur l’investissement international a suscité d’importants débats sur l’opportunité de maintenir la possibilité offerte aux investisseurs étrangers d’accéder à l’arbitrage transnational pour contester une mesure de l’Etat hôte. Il n’est pas question de faire totalement table rase de ce mécanisme. Mais les discussions sont très vives à ce sujet. L’Australie, à la suite de la plainte initiée à son encontre par Philip Morris, avait clairement indiqué qu’elle refuserait, à l’avenir, d’insérer des clauses d’arbitrage dans ses nouveaux traités sur l’investissement. Avant cela, l’accord conclu avec les Etats-Unis en 2004 substituait déjà à l’arbitrage transnational une procédure de conciliation interétatique. À la faveur d’un changement de gouvernement, l’Australie a récemment modifié sa position à cet égard46Ainsi, dans l’Accord de libre échange signé en avril 2014 avec la Corée, on retrouve une clause d’arbitrage. Voir l’accord à l’adresse Internet suivante : http://www.dfat.gov.au/fta/kafta/.. Mais les inquiétudes qui animaient la politique de l’Australie, de même que celles d’autres Etats, qui ont par exemple dénoncé la convention de Washington pour se désengager progressivement de l’arbitrage, ont gagné en intensité. Ainsi, dans le cadre de la négociation d’envergure, actuellement en cours entre l’Union européenne et les Etats-Unis au sujet du Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement 47Pour un suivi de l’état des négociations, voir http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ttip/index_fr.htm., deux Etats européens ont déjà fait part de leur opposition à l’insertion dans la partie relative à l’investissement de clauses permettant l’accès des investisseurs à l’arbitrage transnational 48L’Allemagne, par la voie du porte-parole du ministre de l’Economie est le premier Etat à s’être ouvertement opposé à l’insertion d’une clause de règlement arbitral des différends dans l’accord de partenariat transatlantique. Voir « Transatlantic Trade Talks hit German Snag », Financial Times, 14 mars 2014. Par la suite, le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois a également formulé une même opposition. Communiqué de presse du 22 mai 2014 (http://www.europaforum.public.lu/fr/actualites/2014/05/ttip-asselborn-tageblatt/index.html). Plus récemment encore, l’Allemagne a indiqué qu’elle refuserait de signer l’accord de libre-échange conclu avec le Canada. Il n’est pas impossible que la question du règlement des différends dans le cadre du chapitre sur l’investissement soit au cœur des réticences de l’Allemagne. Voir « L’Allemagne veut rejeter un accord de libre-échange UE-Canada », Le Point, 27 juillet 2014. . Face aux inquiétudes croissantes, la Commission européenne a aussi lancé une procédure de consultation publique, au début de l’année 2014 (qui s’est achevé en juillet 2014), pour recueillir les avis sur l’opportunité d’un tel mécanisme 49Voir le rapport préliminaire établi en juillet 2014 sur la base des presque 150 000 communications reçues (http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2014/july/tradoc_152693.pdf). .

Comme on l’a précédemment relevé, la possibilité offerte aux investisseurs étrangers de recourir à l’arbitrage transnational, si elle focalise souvent les critiques, n’est pas la cause essentielle du déséquilibre qui affecte aujourd’hui le droit des investissements. Pour s’en convaincre est-il nécessaire de rappeler qu’au tout début de son activité l’Organe de règlement des différends de l’OMC faisait l’objet de critiques au moins tout aussi virulentes quant à son incapacité supposée de concilier les impératifs commerciaux avec les impératifs du développement durable ? Pourtant aujourd’hui, c’est à un équilibre relativement satisfaisant qu’est parvenue sa jurisprudence50Pour une analyse des derniers rapports rendus par l’ORD, en particulier dans les affaires Communautés européennes – Produits dérivés du phoque et Canada – Energies renouvelables et Canada – Programme de rachats de tarif garantis, où il était précisément question d’enjeux liés au développement durable, voir S. Cuendet, S. El Boudouhi, A. Hervé, « Les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce », AFDI, 2013, à paraître fin 2014.. Le mode arbitral du règlement des différends n’est donc pas un obstacle, en soi, à une meilleure conciliation entre les impératifs du développement durable et les objectifs de promotion et de protection des investissements. Mais il est vrai, toutefois, qu’une revalorisation du recours aux juridictions nationales, dont il est faux de penser qu’elles favorisent systématiquement les intérêts de l’Etat au détriment de ceux de l’investisseur, permettrait sans doute de dépassionner le contentieux, quand celui-ci a trait à des mesures d’intérêt général51Sur cette question, voir S. Robert-Cuendet, « Les investissements intracommunautaires entre droit communautaire et accords internationaux sur l’investissement : concilier l’inconciliable », RGDIP, 2011, p. 870-873 et p. 892-893 et S. Cuendet, « La saisine parallèle des juridictions internes », in A. de Nanteuil (dir.), « Les nouveaux défis dans les conditions de saisine du tribunal arbitral », actes du colloque organisé au Mans le 14 novembre 2013, Paris, Pedone, à paraître courant 2014. .

2. Le décloisonnement du droit des investissements internationaux : vers une approche intégrée de la protection des investisseurs étrangers

Une deuxième solution qui peut être envisagée pour mieux concilier la protection des investissements avec la promotion des politiques de développement durable est l’adoption d’une approche intégrée du droit des investissements étrangers, qui permettrait de décloisonner les instruments de protection de ces investissements.
Comme on l’a déjà souligné, les accords sur l’investissement international ont pour seule vocation de protéger les investissements réalisés par les étrangers. Dans cette perspective monofonctionnelle, la protection des investisseurs est considérée comme une fin en soi, indépendamment des avantages qu’en retire l’Etat hôte, ce qui favorise les tentations d’extrapoler davantage encore cette protection. Pourtant, les instruments de protection des investissements n’ont, en réalité, jamais eu vocation à fonctionner en système clos. Un rapide aperçu de la généalogie des principales clauses que l’on trouve dans ces instruments – la clause de traitement juste et équitable et la clause de protection contre l’expropriation en particulier – montre qu’elles ont d’abord été insérées dans des accords relatifs au commerce international : la protection de la personne et des biens des commerçants était alors considérée comme une condition indispensable à l’objectif essentiel de libéralisation des échanges. Autrement dit, la protection des opérateurs étrangers était conçue comme l’accessoire de la libéralisation du commerce52B. Nolde, « Droit et technique des traités de commerce », Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, 1924, p. 291-462..

Cette tendance à l’isolationnisme du droit de la protection des investissements est toutefois en très net recul aujourd’hui. La CNUCED a pu déceler, ces dernières années, un essoufflement du rythme de la conclusion des traités bilatéraux sur l’investissement au profit de la négociation d’accords de libre échange (ALE) qui, entre autres domaines de régulation, contiennent souvent un chapitre sur l’investissement. Les Etats-Unis, rapidement suivis par le Canada, ont encore été les premiers à entreprendre un programme de négociation d’envergure de ces ALE, dans le milieu des années 2000. On sait aussi que la négociation de grands partenariats commerciaux est l’un des objectifs essentiels de l’Union européenne dans la valorisation de la politique commerciale commune53Sur le programme européen de conclusion d’ALE, voir le site Internet de la Commission européenne (http://ec.europa.eu/index_fr.htm). qui, depuis le 1er décembre 2009 (date d’entrée en vigueur du traité de Lisbonne), englobe les investissements étrangers directs54Article 207 du TFUE. Une controverse demeure quant à savoir si l’Union européenne doit être considérée comme compétente aussi bien pour les questions d’admission et d’établissement des investissements directs étrangers (ce point ne posant aucune difficulté puisqu’il est étroitement lié à la libéralisation du commerce) que pour les questions de traitement et de protection des investissements directs étrangers. Cette interrogation est d’importance car elle conditionne notamment la nature des accords qui peuvent être négociés et conclus par la Commission européenne, au nom de l’UE (si l’on est en présence d’une compétence partagée, les accords doivent être des accords mixtes). Pour le moment, les États membres disposent toujours de la possibilité de négocier et conclure des TBI, sous le contrôle de la Commission européenne. Voir le règlement (UE) no 1219/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 établissant des dispositions transitoires pour les accords bilatéraux d’investissement conclus entre des États membres et des pays tiers..

L’intérêt de ces ALE (ou accords de promotion du commerce) réside principalement dans le fait qu’ils couvrent de nombreux domaines d’activité économique 55S’agissant du seul volet commercial, ils vont bien au-delà de ce que permettent les accords de l’OMC. Pour cette raison, la dimension multilatérale de la régulation du commerce international est en très net recul au profit d’une bilatéralisation et d’une régionalisation du système commercial international. : le commerce des marchandises, le commerce des services, y compris les services financiers, les marchés publics, les télécommunications, l’agriculture, le commerce électronique, les transferts de technologie, les droits de propriété intellectuelle, l’investissement… La protection des investissements n’y est donc pas appréhendée comme objectif unique. De nombreuses autres dispositions de ces accords, souvent placées dans les chapitres non spécifiquement consacrés à l’investissement, ont pour objet de renforcer les efforts de libéralisation des investissements et les droits reconnus aux investisseurs étrangers viennent au soutien de l’objectif essentiel de circulation des richesses.

Mais ces instruments, en plus d’être plus complets que les accords de protection des investissements, contiennent aussi très fréquemment des chapitres entiers dédiés aux questions de protection de l’environnement et de protection des normes sociales. L’ALENA, en tant qu’archétype de ces ALE, peut être cité en exemple puisqu’il fonctionne avec deux accords parallèles : l’Accord de coopération nord-américain dans le domaine de l’environnement et l’Accord de coopération nord-américain dans le domaine des droits sociaux56Le traité sur la Charte de l’énergie, qui contient des dispositions sur l’investissement, est également accompagné d’un protocole sur l’efficacité énergétique et les aspects environnementaux. . Parmi les instruments plus récents, les ALE conclus par les Etats-Unis et le Canada contiennent également un chapitre sur l’environnement et un chapitre sur les normes sociales. C’est encore le cas de l’ALE conclu entre l’Australie et la Corée au début de l’année 2014. Quant aux accords conclus par l’Union européenne, ceux-ci contiennent parfois un chapitre spécialement consacré au commerce et au développement durable. C’est le cas des accords conclus avec la Colombie et le Pérou, avec Singapour et avec certains Etats d’Amérique centrale. Le Partenariat transatlantique sur le commerce et l’investissement actuellement négocié avec les Etats-Unis, de même que l’Accord économique et commercial global avec le Canada devraient également contenir un tel chapitre.

Les dispositions contenues dans ces chapitres ne sont pas fondamentalement différentes de celles que l’on peut trouver dans les TBI de dernière génération. Il s’agit surtout de clauses de non-préjudice, de clauses rappelant le droit de l’Etat de réglementer ou encore de clauses de non-abaissement des standards sociaux et environnementaux, auxquelles s’ajoutent parfois des dispositifs spécifiques de coopération dans le domaine du développement durable. Leur efficacité est donc sujette aux mêmes réserves que celles que l’on a précédemment formulées. On peut également reprocher aux chapitres sur le développement durable contenus dans les accords conclus par l’Union européenne de ne porter que sur les aspects commerciaux, alors même qu’il semble opportun d’en étendre le champ également aux questions d’investissement. Mais l’essentiel tient surtout au fait que la présence de ces chapitres permet, encore une fois, de mettre en perspective – de mettre en balance même – les obligations des Etats s’agissant de la protection des investissements avec leurs autres obligations commerciales et non commerciales. Dès lors, la protection des investissements n’est plus appréhendée de manière absolue et cette approche intégrée peut participer à crever la bulle spéculative qui s’est formée autour des standards de protection des investissements étrangers.

3. L’articulation des règles de protection des investissements avec d’autres instruments de régulation : pour une approche globale du droit des investissements

Finalement, la troisième évolution possible du droit des investissements que nous envisagerons ici tient compte de la faiblesse essentielle des accords de protection des investissements : ceux-ci ne contiennent aucune obligation à la charge des investisseurs étrangers, alors même qu’il apparaît évident que la responsabilisation de ces opérateurs économiques est indispensable à la conciliation entre investissement international et développement durable.

Quelques tentatives ont été engagées pour contrebalancer, dans ces instruments, les droits reconnus aux investisseurs étrangers par des obligations corrélatives. Mais aucune n’a abouti à un système effectif, soit que l’approche adoptée n’a qu’un objet incitatif soit, au contraire, que l’approche proposée nécessite une réforme d’envergure, que les Etats ne semblent pas prêts d’entreprendre. Pour illustrer la première hypothèse, on peut par exemple rappeler que le préambule du projet consolidé d’AMI renvoyait expressément aux Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales57« [Prenant note des] [Exprimant leur soutien aux] Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales et soulignant que l’application de ces Principes, qui ne sont pas contraignants et dont le respect a un caractère volontaire, favorisera une attitude de confiance mutuelle entre les entreprises et les pays d’accueil et contribuera à un climat propice à l’investissement ».. On sait toutefois que ces principes sont dépourvus de force obligatoire, ce que ne manquait pas de rappeler le projet d’AMI. On peut également noter que l’actuel modèle de TBI canadien contient un article 16 relatif à la responsabilité sociale des entreprises qui dispose que :
« [c]hacune des Parties encourage les entreprises exerçant leurs activités sur son territoire ou relevant de sa compétence à intégrer, sur une base volontaire, dans leurs pratiques et politiques internes des normes internationalement reconnues en matière de responsabilité sociale des entreprises, telles que les déclarations de principe auxquelles les Parties ont adhéré et qui portent sur des questions comme le travail, l’environnement, les droits de la personne, les relations avec la collectivité ou la lutte contre la corruption ».
Mais il est clair qu’une telle disposition ne peut avoir qu’une incidence limitée : non seulement elle s’adresse aux Etats, et non directement aux investisseurs, mais en outre, là encore, elle n’a qu’un objectif incitatif58L’article 32 du modèle de TBI norvégien adopté en 2007 contient une clause comparable : « The Parties agree to encourage investors to conduct their investment activities in compliance with the OECD Guidelines for Multinational Enterprises and to participate in the United Nations Global Compact. ».

Pour illustrer la seconde hypothèse, on peut se référer au projet d’accord sur l’investissement pour le développement durable élaboré par l’Institut international de développement durable , qui constitue l’exemple le plus abouti d’instrument conciliant les disciplines du droit des investissements avec les impératifs du développement durable59L’IIDD est une organisation non gouvernementale (ONG) implantée dans plusieurs Etats et qui publie régulièrement des travaux et des rapports sur l’évolution du droit de l’investissement, sur l’interprétation des accords de promotion et de protection des investissements faite par les tribunaux arbitraux ou encore sur les possibilités d’améliorer le mécanisme de règlement des différends mixtes.. L’innovation la plus audacieuse qui y est proposée réside dans la structure même de l’accord : celui-ci, à côté d’une partie classiquement consacrée aux normes de traitement et de protection des investissements, contient une partie sur les droits et obligations de l’Etat d’accueil, une partie sur les droits et obligations de l’Etat d’origine et une partie sur les droits et obligations des investisseurs60Le modèle peut être consulté à l’adresse Internet suivante : http://www.iisd.org/pdf/2005/investment_model_int_handbook_fr.pdf. . Depuis, la Communauté de développement d’Afrique australe a également adopté, en 2012, un modèle de TBI qui contient une partie sur les droits et obligations des investisseurs étrangers en termes d’étude d’impact, de bonne gouvernance ou encore de transparence des pratiques commerciales61SADC Model Bilateral Investment Treaty Template, disponible à l’adresse Internet suivante : http://www.iisd.org/itn/wp-content/uploads/2012/10/sadc-model-bit-template-final.pdf. . Il n’est donc pas exclu que certains Etats souhaitent progressivement s’engager dans cette voie. Mais ce n’est toutefois pas la voie qui est aujourd’hui privilégiée.

À côté de ces quelques tentatives de modifier l’essence même des accords sur l’investissement, tentatives dont l’impact reste pour le moment très limité, il existe également de très nombreuses initiatives visant à responsabiliser l’action des entreprises à l’étranger. Parmi celles-ci, il convient de mentionner les Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales, le Global Compact des Nations unies ou encore les Principes directeurs relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme62Ces derniers principes sont plus connus sous l’appellation des « principes Ruggie » du nom du représentant spécial du secrétaire général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises qui est à l’origine de leur adoption en 2011.. Mais d’autres projets portent plus spécifiquement sur la responsabilisation des investisseurs, tels les Principes des Nations unies pour l’investissement responsable63Il s’agit d’une initiative du Programme des Nations unies pour l’environnement (http://www.unepfi.org/fileadmin/documents/pri_francais.pdf). et les principes pour un investissement agricole responsable, actuellement en négociation au sein du Comité sur le sécurité alimentaire mondiale de la FAO 64On peut encore ajouter à ces initiatives de nombreux autres projets menés par les institutions internationales ou les ONG, ainsi que les codes de conduite volontaires adoptés par les entreprises elles-mêmes. .

Les instruments issus de ces différentes initiatives n’ont aucune force obligatoire. Ils n’ont, en tant que tels, qu’une portée recommandatoire et c’est, a priori, sur une base purement volontaire que les entreprises peuvent s’engager à les respecter.
Pour autant, il ne faut certainement pas négliger cette nouvelle forme de régulation qui est aujourd’hui de plus en plus répandue. Ainsi, dans le domaine de la régulation bancaire et financière65C’est également le cas dans d’autres domaines comme la sécurité maritime, la lutte contre le trafic des « diamants du sang » (voir le système de certification des diamants du processus de Kimberley) ou encore la santé, sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé. , l’absence de véritable réglementation internationale est palliée par l’existence de nombreux standards internationaux – dont beaucoup émanent d’agences de régulation hybrides ou privées – qui, sans être obligatoires, n’en sont pas moins appliqués et respectés par les opérateurs bancaires et financiers. La force normative de ces standards résulte d’une conjugaison de facteurs parmi lesquels on trouve, d’une part, le fait que les destinataires des normes ont été directement associés à leur élaboration (approche participative ou réflexive de l’élaboration du droit) et, d’autre part, le fait que l’octroi de certains avantages – par exemple l’obtention d’un prêt ou d’une licence – est soumis au respect de ces standards (conditionnalité) 66Voir S. Cuendet, « Le pouvoir normatif des institutions financières internationales », in G. Giraudeau (dir.), La Réforme des institutions économiques internationales face aux défis de la globalisation, actes de la Journée d’étude franco-espagnole du 4 octobre 2012 à l’université d’Orléans, Paris, Mare et Martin, à paraître courant 2014. .

Or, les réflexions sur la manière de mieux tenir compte des politiques de développement durable dans le droit des investissements pourraient s’inspirer de ces modèles de régulation. Il n’est pas impossible d’établir un lien entre les instruments d’incitation à l’investissement responsable – qui invitent les opérateurs à respecter les normes sociales et environnementales, à lutter contre la corruption ou encore à adopter des règles de bonne gouvernance – et les accords de protection des investissements. Ce lien pourrait clairement s’analyser en terme de conditionnalité des privilèges, économiques et juridiques, traditionnellement offerts aux investisseurs étrangers. Une solution aussi novatrice peut sembler difficile à mettre en œuvre. Elle n’est toutefois pas impossible.

On sait qu’une controverse a eu lieu au sujet de la question de savoir s’il fallait exiger, dans le cadre de l’arbitrage CIRDI, des investissements que ceux-ci participent au développement économique de l’Etat d’accueil pour bénéficier de la protection offerte par les TBI et la convention de Washington. Une jurisprudence qui semble aujourd’hui dominante a rejeté la pertinence d’un tel critère, au motif que la participation au développement de l’Etat d’accueil est une donnée contingente, des plus difficiles à apprécier67Sur cette controverse, voir notamment A. Gilles, La Définition de l’investissement international, Bruxelles, Larcier, 2012. . Il paraît pourtant évident que les Etats hôtes n’ont accepté de s’engager à respecter des obligations de protection des investissements particulièrement lourdes qu’à la condition que ceux-ci participent à leur développement. Par ailleurs, le fait de rejeter la pertinence d’une telle condition au seul motif que celle-ci est difficilement appréciable est pour le moins spécieux. On retrouve par exemple une exigence similaire dans le texte même de la convention de Séoul portant création de l’Agence multilatérale pour la garantie des investissements qui conditionne l’octroi de la garantie aux opérations qui contribuent au développement du pays d’accueil68Article 12) d. iii) de la convention de Séoul. . De la même manière, les mécanismes nationaux de garantie publique, tels ceux offerts par la COFACE pour la France ou l’OPIC pour les Etats-Unis, ne couvrent bien souvent que les risques politiques auxquels sont soumis les investissements vertueux69Voir les conditions d’éligibilité expliquées sur le site Internet de l’OPIC (www.opi.gov) et sur le site Internet de la COFACE (www.coface.fr). . C’est bien la preuve que l’éligibilité à certains privilèges juridiques peut être conditionnée au fait que l’opération en question apporte une contribution significative au développement de l’Etat d’accueil. Certes, pour rendre opérant une telle condition, il est nécessaire de définir plus précisément les critères qui doivent être effectivement satisfaits par l’investisseur. Mais c’est justement ici que le respect des lignes ou principes directeurs sur l’investissement responsable ou l’investissement durable peut être pris en compte, comme indicateur du caractère potentiellement vertueux de l’opération en cause. Cela requiert également la mise en place de mécanismes d’évaluation des bonnes pratiques des investisseurs qui, s’ils ne sont pas aisés à instaurer, ne sont toutefois pas inenvisageables.

Un tel mécanisme de conditionnalité pourrait être envisagé pour l’octroi des garanties publiques et des assurances70Il conviendrait donc d’associer les assureurs institutionnels et les assureurs privés à ce processus de responsabilisation des investisseurs étrangers., celles-ci étant aujourd’hui indispensables à la sécurisation des investissements étrangers. On peut aussi l’envisager pour l’accès à certains marchés, comme l’agriculture qui a été depuis peu happée par le mouvement de libéralisation mais qui reste un secteur extrêmement sensible. Ici, on peut d’ailleurs rappeler que certaines législations réservent déjà l’octroi de certains avantages incitatifs – comme des exonérations fiscales – aux investissements qui participent à des projets de développement durable. Rien n’interdit donc de limiter l’accès à certains secteurs clés de l’économie aux investisseurs s’engageant à mener une politique de développement durable active. Il peut également l’être pour le bénéfice de la protection assurée par les traités sur l’investissement. À cet égard, on peut souligner qu’un certain nombre d’Etats, parmi lesquels on trouve surtout des Etats d’Asie, conditionnent déjà le bénéfice du traitement et de la protection assurée par les accords sur l’investissement à l’obtention d’un agrément ou d’une autorisation par les autorités de l’Etat d’accueil. Il conviendrait donc de réfléchir à la manière dont l’octroi de telles autorisations pourrait être conditionné au respect par les investisseurs concernés de certains standards de comportement définis dans les instruments que l’on mentionnait plus haut qui, tout en restant formellement incitatifs, ne s’en trouveraient pas moins revêtus d’une certaine force normative.

Une telle approche, dont il conviendrait de déterminer plus précisément les modalités, notamment en identifiant un ensemble de standards internationaux généralement acceptés comme définissant l’investissement responsable, permettrait ainsi d’intégrer les accords sur l’investissement dans un ensemble plus vaste d’instruments normatifs formels et informels qui pourraient interagir entre eux. Cela requiert la participation aussi bien des Etats que des institutions internationales, des investisseurs eux-mêmes, voire de certaines ONG, dans une perspective de droit participatif qui repose sur un processus normatif à l’issu duquel chacune des parties prenantes a été associée à l’élaboration du droit applicable.

Finalement, cette approche, comme les deux autres hypothèses de réformation des accords sur l’investissement précédemment envisagées, permet de mettre l’accent sur le fait que l’équation protection des investissements internationaux – promotion du développement durable ne peut pas être résolue à partir du seul facteur que constituent les accords sur l’investissement international. Que l’on opte pour une approche intégrée du droit des investissements ou, de manière plus audacieuse encore, pour une approche globale, il semble désormais nécessaire de réfléchir à l’échelle d’une pluralité d’instruments, de nature et de force normative différentes pour tenir compte de l’évolution contemporaine des modes de régulation des activités économiques dans le contexte de la mondialisation.

 

Réferences

À la fin de l’année 2013, la CNUCED dénombrait 3 200 accords sur l’investissement, dont plus de 2 900 traités bilatéraux sur l’investissement et environ 300 « autres accords » sur l’investissement. Informations disponibles sur le site Internet de la CNUCED (www.unctad.org).
Il est appréhendé comme tel dans la plupart des travaux institutionnels d’envergure internationale qui portent sur le sujet. Voir les nombreuses références en ce sens faites dans le document final de la conférence des Nations unies sur le développement durable, intitulé « L’avenir que nous voulons ». Résolution 66/288 du 27 juillet 2012 (Rio + 20) de l’Assemblée générale des Nations unies. Voir aussi les instruments adoptés lors du sommet mondial sur le développement durable de Johannesburg en 2002 (en particulier le Plan d’application du sommet mondial pour le développement durable, introduction points 2 et 4, chapitre III sur la modification des modes de consommation et de production non viables, points 16, 19, 46, 49 et 84. Ces documents sont disponibles sur le site Internet suivant : http://www.un.org/french/events/wssd/pages/document.html). Voir encore le Cadre pour une politique d’investissement au service du développement durable adopté en juin 2012 par la CNUCED, Investment Policy Framework for Sustainable Development (http://unctad.org/fr/PublicationsLibrary/webdiaepcb2012d6_en.pdf).
Pour une analyse plus détaillée de ces clauses, voir infra. Voir aussi, pour une appréciation des clauses qui tiennent compte de l’objet de protection de l’environnement, S. Robert-Cuendet, Droits de l’investisseur étranger et protection de l’environnement. Contribution à l’analyse de l’expropriation indirecte, Leyde, Martinus Nijhoff Publishers, 2010, p. 33 et ss.
Voir infra.
Cour permanente de justice internationale, Affaire du vapeur « Wimbledon », arrêt du 17 août 1923, Rec. Série A, p. 25.
En réalité, on fait traditionnellement la distinction entre le modèle américain de TBI qui étend à la phase pré-investissement la clause du traitement national et le modèle européen qui réserve le traitement national une fois les investissements réalisés dans les seules conditions posées par la législation de l’Etat d’accueil. A priori, le modèle américain est plus favorable à la libéralisation des investissements mais les accords conclus sur la base de ce modèle sont en général assortis d’exceptions qui limitent très largement la portée du principe de non-discrimination entre les investissements nationaux et les investissements étrangers. De fait, les deux types de modèles permettent de parvenir à un même niveau de libéralisation, qui reste tributaire des politiques nationales des Etats d’accueil.
Voir par exemple article 2103(1) de l’ALENA ; article 21 du traité sur la Charte de l’énergie ; article 21 du modèle de traité bilatéral sur l’investissement des Etats-Unis adopté en 2012.
Conoco c. Venezuela, ICSID ARB/07/30, décision sur la compétence et le fond, 3 septembre 2013, § 299 ; § 312 (www.italaw.com).
On peut ici relever l’exemple du modèle de TBI adopté par la Colombie en 2007. L’article II exclut du champ d’application matériel de l’accord deux types de mesure : le premier concerne les mesures fiscales ; le second les mesures prudentielles dans le domaine financier. Sur la base de ce modèle, la Colombie a signé, depuis 2007, cinq TBI avec la Chine, l’Inde, le Japon, le Royaume-Uni et le Pérou. Chacun de ces accords contient des dispositions qui portent spécifiquement sur les mesures prudentielles. Si la formule retenue est très en deçà de ce que le modèle colombien prévoit, puisqu’il ne s’agit pas d’exclusion pure et simple mais de clause de non-préjudice, cet exemple montre bien que les Etats peuvent moduler leurs engagements.
Preuve de ce regain de pouvoir des Etats en développement et des Etats en transition dans le jeu des négociations internationales : un certain nombre d’entre eux disposent désormais de leur propre modèle de TBI. Les pays développés ne sont donc plus les seuls à disposer d’un tel instrument qui, dans bien des cas, leur permettait d’imposer à leurs partenaires économiques un accord « clé-en-main » sans possibilité de négociation réelle des clauses qu’il contenait. On peut aussi rappeler que ce sont les pays en développement qui ont été à l’origine de l’abandon, en 2003, à l’OMC, des « questions de Singapour » dans le programme de négociation de Doha. Or, parmi ces questions figurait la négociation d’un accord portant spécifiquement sur l’investissement (l’Accord sur les mesures concernant l’investissement et liées au commerce – AMIC – n’ayant qu’une portée très limitée).
UNCTAD, World Investment Report, Investment Policy Framework for Sustainable Development, 2012, p. 28 et ss.
Dans les accords de dernière génération, on trouve toutefois des instruments qui mettent davantage l’accent sur l’objectif de promotion. On peut par exemple citer l’ASEAN Comprehensive Investment Agreement, conclu en 2009 et entré en vigueur en 2012, qui vise clairement à renforcer le volet promotion des engagements des Etats membres de l’ASEAN dans le domaine de l’investissement.
On peut aussi qualifier de privilège exorbitant le droit d’obtenir réparation en cas de mesures d’effet équivalant à l’expropriation, quand, dans la plupart des ordres juridiques internes, les opérateurs nationaux ne bénéficient pas de protections aussi étendues. Ainsi, aux Etats-Unis, certaines sphères politiques et académiques se sont indignées du fait que la propriété des investisseurs étrangers pouvait être, en vertu de l’article 1110 de l’ALENA, mieux protégée que la propriété des ressortissants américains. Dans le Trade Act de 2002, le Congrès a d’ailleurs donné comme consigne aux négociateurs des futurs accords engageant les Etats-Unis de veiller à « ensuring that foreign investors in the United States are not accorded greater substantive rights with respect to investment protections than United States investors in the United States », Trade Act adopté en 2002, section 2102 (b) (3, document disponible à l’adresse Internet suivante : http://www.twnsideorg.sg/title2/FTAs/General/USBipartisanTradePromotionAuthorityActFromp993.pdf).
Les documents de négociation de l’AMI peuvent être consultés sur le site Internet de l’OCDE à l’adresse suivante : http://www.oecd.org/fr/investissement/accordssurlinvestissementinternational/accordmultilateralsurlinvestissement.htm.
En 2005, au plus fort des critiques adressées à l’arbitrage en matière d’investissement, le directeur du CIRDI notait que, de manière générale, la proportion des sentences rendues en faveur de l’investisseur et celles rendues en faveur de l’Etat était de 50 – 50. Voir R. Dañino, « Opening Remarks », symposium co-organisé par le CIRDI, l’OCDE et la CNUCED, Making the Most of International Investment Agreements : A Common Agenda, 12 décembre 2005, p. 3, document électronique (www.oecd.org). Par ailleurs, lorsque les tribunaux statuent en faveur de l’investisseur, l’indemnisation octroyée est généralement bien moins importante que celle initialement réclamée. Voir R. Erdsall, « Indirect Expropriation under NAFTA and DR-CAFTA : Potential Inconsistencies in the Treatment of State Public Welfare Regulations », Boston ULR, 2006, p. 939.
On pense ici en particulier aux tribunaux qui se sont prononcés sur les contentieux nés de la crise en Argentine et qui ont reconnu à la clause de traitement juste et équitable des effets proches d’une clause de stabilisation. Voir S. Robert-Cuendet, Droits de l’investisseur étranger et protection de l’environnement…, op. cit., p. 376 et ss.
Voir Ch. Brown, « Procedure in Investment Treaty Arbitration and the Relevance of Comparative Public Law », in S. Schill, International Investment Law and Comparative Public Law, Oxford, OUP, 2010, p. 708.
Sur ce point, voir la recherche menée par S. Schill, International Investment Law and Comparative Public Law, op. cit.
Philip Morris Asia Limited c. Australie, CPA, affaire no 2012-12, requête du 22 juin 2011 ; Philip Morris Brands Sàrl, Philip Morris Products S.A. et Abal Hermanos S.A. c. Uruguay, CIRDI, affaire ARB/10/7, requête du 29 février 2010.
Vattenfall AB et autres c. République fédérale d’Allemagne, CIRDI, affaire no ARB/12/12, requête du 31 mai 2012.
Lone Pine Resources Inc. c. Canada, procédure CNUDCI, requête du 6 septembre 2013.
L’Espagne, l’Italie, la République tchèque et dernièrement la Bulgarie.
Sur ce contentieux, voir V. Jha, « Les tendances des réclamations des investisseurs concernant les tarifs de rachat garantis dans les énergies renouvelables », IISD, Investment Treaty News Quarterly, no 4, vol. 2, juillet 2012 (http://www.iisd.org/pdf/2012/iisd_itn_july_2012_fr.pdf).
Le différend a d’abord été porté à la connaissance d’un tribunal CCI. Il a ensuite été tranché par un tribunal CIRDI. Voir la sentence sur le fond Southern Pacific Properties (Middle East) Limited (SPP) c. République arabe d’Egypte, Aff. no ARB/84/3, du 20 mai 1992, ICSID Rep., vol. 3, p. 189 et ss.
Metalclad Corporation c. Etats-Unis du Mexique, Aff. no ARB(AF)/97/1, sentence du 30 août 2000 ; ICSID Rep., vol. 5, p. 212-235 et ICSID Rev. – FILJ, 2001, p. 168 et ss.
Methanex c. Etats-Unis d’Amérique, décision partielle du 7 août 2002 ; ICSID Rep., vol. 7, p. 239 et ss et sentence du 9 août 2005 (www.italaw.com).
Glamis Gold, Ltd. c. Etats-Unis, CNUDCI, sentence du 8 juin 2009 (www.italaw.com).
Sauf dans le cas où ses effets aboutissent à un anéantissement total de l’activité de l’investisseur et que la mesure peut alors être qualifiée de mesure d’effet équivalent à l’expropriation.
En réalité, les tribunaux arbitraux intervenant dans le contentieux de l’investissement disposent de pouvoirs d’injonction qui pourraient leur permettre d’ordonner à l’Etat de retirer la mesure litigieuse. Voir Ch. Schreuer, « Non-Pecuniary Remedies in ICSID Arbitration », Arbitration International, no 4, 2004, p. 325-332. Il est toutefois extrêmement rare qu’un investisseur étranger demande, en guise de réparation, le retrait de la mesure. Cela tient notamment au fait que lorsque l’investisseur en vient à saisir un tribunal arbitral pour trancher le différend qui l’oppose à l’Etat hôte, la situation entre les deux parties s’est dégradée de manière irréversible. Il devient alors vain d’espérer pouvoir reprendre des relations économiques dans des conditions normales. Voir sur cette question CNUCED, Différends entre investisseurs étrangers et Etat : prévention et modes de règlement autres que l’arbitrage, Nations unies, New York, Genève, 2010, 137 p. passim.
Dans une décision du 22 mai 2012, dans l’affaire Mobil Investment Canada Inc. et Murphy Oil. Corp. c. Canada, le tribunal a accepté l’argument de l’investisseur selon lequel l’Etat devait être condamné à verser une indemnisation pour les dommages futurs, dans le cas où la réglementation litigieuse impose des obligations trop lourdes aux investisseurs. Jusqu’alors, la question de l’indemnisation du manque à gagner ne se posait que dans le cadre d’une expropriation. Cette décision, si elle faisait jurisprudence, pourrait être lourde de conséquences. Affaire CIRDI ARB(AF)/07/4, décision sur la responsabilité et le principe du montant de l’indemnisation, §§ 427-430 (www.italaw.com).
Il faut préciser que la capacité financière de l’Etat n’a jamais été considérée, en droit international, comme un facteur pertinent pour moduler l’obligation d’indemnisation qui pèse sur lui en cas d’expropriation. A fortiori, le pouvoir de payer de l’Etat ne peut être pris en considération dans l’appréciation de son comportement au regard des autres standards de traitement et de protection des investisseurs étrangers.
Entre autres exemples, le gouvernement français devrait déposer, à l’automne 2014, un nouveau projet de loi relatif à la politique de santé qui pourrait envisager de mettre en place une telle mesure de banalisation des paquets de cigarettes. Voir « Loi anti-tabac : “paquets neutres” et e-cigarettes interdites de lieux publics », Les Echos, 30 mai 2014.
De même, la société Philip Morris a eu recours à l’arbitrage pour faire pression sur la province d’Ottawa qui voulait empêcher l’utilisation des appellations « légères » et « douces » sur les paquets de cigarettes en raison de leur information trompeuse quant aux conséquences nocives du tabac pour la santé. Là aussi le projet de réglementation a finalement été abandonné. A. Depalma, « Quand les entreprises imposent leur loi aux Etats », Courrier international, 19 avril 2001.
Voir les statistiques établis chaque année par la CNUCED dans ses rapports World Investment Report. On y trouve aussi des informations indiquant que parmi les plus puissantes multinationales se trouvent désormais des entreprises issues de pays en développement et de pays en transition.
Le modèle américain de 2004 peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.state.gov/documents/organization/117601.pdf. Pour une analyse détaillée des innovations introduites par ce modèle, voir P. Juillard, « Le nouveau modèle américain de traité bilatéral sur l’encouragement et la protection réciproque des investissements (2004) », AFDI, 2004, p. 669-682. Le modèle canadien de 2004 peut être consulté à l’adresse suivante : http://italaw.com/documents/Canadian2004-FIPA-model-en.pdf. Sources des modèles 2004.
Le modèle américain de 2012 peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.ustr.gov/sites/default/files/BIT%20text%20for%20ACIEP%20Meeting.pdf.
Voir notamment communication de la Commission au Conseil, au Parlement européen, au Comité économique et social européen et au Comité des régions. Vers une politique européenne globale en matière d’investissements internationaux, 7 juillet 2010, COM(2010)343final ; Conseil de l’Union européenne, Conclusions sur une politique européenne globale en matière d’investissements internationaux, 25 octobre 2010 ; résolution du Parlement européen du 6 avril 2011 sur la future politique européenne en matière d’investissements internationaux (2010/2203(INI
UNCTAD, World Investment Report, Investment Policy Framework for Sustainable Development, 2012.
De manière générale, les TBI de dernière génération sont des instruments bien plus complets et détaillés que ne le sont les TBI traditionnels. Pour s’en convaincre, il suffit de procéder à une analyse comparée des plus triviales : les nouveaux modèles de TBI américain et canadien font désormais une cinquantaine de pages, tandis que le modèle français adopté en 2006, qui ne contient que d’infimes changements par rapport aux premiers instruments conclus par la France dans les années 1970-1980, tient en six pages.
Voir aussi l’article VI c. du modèle de TBI colombien adopté en 2007.
Voir aussi l’article 1114 al. 1 de l’ALENA.
Formulation retenue à l’article 1114 al. 2 de l’ALENA.
Le Canada est le premier à avoir eu recours aux clauses d’exceptions générales dans certains de ses TBI conclus dans les années 1990.
Pour des développements plus détaillés sur l’efficacité de ces clauses, voir S. Robert-Cuendet, Droits de l’investisseur étranger et protection de l’environnement…, op. cit., p. 47 et ss.
Ainsi, dans l’Accord de libre échange signé en avril 2014 avec la Corée, on retrouve une clause d’arbitrage. Voir l’accord à l’adresse Internet suivante : http://www.dfat.gov.au/fta/kafta/.
Pour un suivi de l’état des négociations, voir http://ec.europa.eu/trade/policy/in-focus/ttip/index_fr.htm.
L’Allemagne, par la voie du porte-parole du ministre de l’Economie est le premier Etat à s’être ouvertement opposé à l’insertion d’une clause de règlement arbitral des différends dans l’accord de partenariat transatlantique. Voir « Transatlantic Trade Talks hit German Snag », Financial Times, 14 mars 2014. Par la suite, le ministre des Affaires étrangères luxembourgeois a également formulé une même opposition. Communiqué de presse du 22 mai 2014 (http://www.europaforum.public.lu/fr/actualites/2014/05/ttip-asselborn-tageblatt/index.html). Plus récemment encore, l’Allemagne a indiqué qu’elle refuserait de signer l’accord de libre-échange conclu avec le Canada. Il n’est pas impossible que la question du règlement des différends dans le cadre du chapitre sur l’investissement soit au cœur des réticences de l’Allemagne. Voir « L’Allemagne veut rejeter un accord de libre-échange UE-Canada », Le Point, 27 juillet 2014.
Voir le rapport préliminaire établi en juillet 2014 sur la base des presque 150 000 communications reçues (http://trade.ec.europa.eu/doclib/docs/2014/july/tradoc_152693.pdf).
Pour une analyse des derniers rapports rendus par l’ORD, en particulier dans les affaires Communautés européennes – Produits dérivés du phoque et Canada – Energies renouvelables et Canada – Programme de rachats de tarif garantis, où il était précisément question d’enjeux liés au développement durable, voir S. Cuendet, S. El Boudouhi, A. Hervé, « Les rapports des groupes spéciaux et de l’Organe d’appel de l’Organisation mondiale du commerce », AFDI, 2013, à paraître fin 2014.
Sur cette question, voir S. Robert-Cuendet, « Les investissements intracommunautaires entre droit communautaire et accords internationaux sur l’investissement : concilier l’inconciliable », RGDIP, 2011, p. 870-873 et p. 892-893 et S. Cuendet, « La saisine parallèle des juridictions internes », in A. de Nanteuil (dir.), « Les nouveaux défis dans les conditions de saisine du tribunal arbitral », actes du colloque organisé au Mans le 14 novembre 2013, Paris, Pedone, à paraître courant 2014.
B. Nolde, « Droit et technique des traités de commerce », Recueil des cours de l’Académie de droit international de La Haye, 1924, p. 291-462.
Sur le programme européen de conclusion d’ALE, voir le site Internet de la Commission européenne (http://ec.europa.eu/index_fr.htm).
Article 207 du TFUE. Une controverse demeure quant à savoir si l’Union européenne doit être considérée comme compétente aussi bien pour les questions d’admission et d’établissement des investissements directs étrangers (ce point ne posant aucune difficulté puisqu’il est étroitement lié à la libéralisation du commerce) que pour les questions de traitement et de protection des investissements directs étrangers. Cette interrogation est d’importance car elle conditionne notamment la nature des accords qui peuvent être négociés et conclus par la Commission européenne, au nom de l’UE (si l’on est en présence d’une compétence partagée, les accords doivent être des accords mixtes). Pour le moment, les États membres disposent toujours de la possibilité de négocier et conclure des TBI, sous le contrôle de la Commission européenne. Voir le règlement (UE) no 1219/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 établissant des dispositions transitoires pour les accords bilatéraux d’investissement conclus entre des États membres et des pays tiers.
S’agissant du seul volet commercial, ils vont bien au-delà de ce que permettent les accords de l’OMC. Pour cette raison, la dimension multilatérale de la régulation du commerce international est en très net recul au profit d’une bilatéralisation et d’une régionalisation du système commercial international.
Le traité sur la Charte de l’énergie, qui contient des dispositions sur l’investissement, est également accompagné d’un protocole sur l’efficacité énergétique et les aspects environnementaux.
« [Prenant note des] [Exprimant leur soutien aux] Principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales et soulignant que l’application de ces Principes, qui ne sont pas contraignants et dont le respect a un caractère volontaire, favorisera une attitude de confiance mutuelle entre les entreprises et les pays d’accueil et contribuera à un climat propice à l’investissement ».
L’article 32 du modèle de TBI norvégien adopté en 2007 contient une clause comparable : « The Parties agree to encourage investors to conduct their investment activities in compliance with the OECD Guidelines for Multinational Enterprises and to participate in the United Nations Global Compact. »
L’IIDD est une organisation non gouvernementale (ONG) implantée dans plusieurs Etats et qui publie régulièrement des travaux et des rapports sur l’évolution du droit de l’investissement, sur l’interprétation des accords de promotion et de protection des investissements faite par les tribunaux arbitraux ou encore sur les possibilités d’améliorer le mécanisme de règlement des différends mixtes.
Le modèle peut être consulté à l’adresse Internet suivante : http://www.iisd.org/pdf/2005/investment_model_int_handbook_fr.pdf.
SADC Model Bilateral Investment Treaty Template, disponible à l’adresse Internet suivante : http://www.iisd.org/itn/wp-content/uploads/2012/10/sadc-model-bit-template-final.pdf.
Ces derniers principes sont plus connus sous l’appellation des « principes Ruggie » du nom du représentant spécial du secrétaire général chargé de la question des droits de l’homme et des sociétés transnationales et autres entreprises qui est à l’origine de leur adoption en 2011.
Il s’agit d’une initiative du Programme des Nations unies pour l’environnement (http://www.unepfi.org/fileadmin/documents/pri_francais.pdf).
On peut encore ajouter à ces initiatives de nombreux autres projets menés par les institutions internationales ou les ONG, ainsi que les codes de conduite volontaires adoptés par les entreprises elles-mêmes.
C’est également le cas dans d’autres domaines comme la sécurité maritime, la lutte contre le trafic des « diamants du sang » (voir le système de certification des diamants du processus de Kimberley) ou encore la santé, sous l’égide de l’Organisation mondiale de la santé.
Voir S. Cuendet, « Le pouvoir normatif des institutions financières internationales », in G. Giraudeau (dir.), La Réforme des institutions économiques internationales face aux défis de la globalisation, actes de la Journée d’étude franco-espagnole du 4 octobre 2012 à l’université d’Orléans, Paris, Mare et Martin, à paraître courant 2014.
Sur cette controverse, voir notamment A. Gilles, La Définition de l’investissement international, Bruxelles, Larcier, 2012.
Article 12) d. iii) de la convention de Séoul.
Voir les conditions d’éligibilité expliquées sur le site Internet de l’OPIC (www.opi.gov) et sur le site Internet de la COFACE (www.coface.fr).
Il conviendrait donc d’associer les assureurs institutionnels et les assureurs privés à ce processus de responsabilisation des investisseurs étrangers.
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About the Author

Sabrina Cuendet

Sabrina Cuendet est maître de conférences à l’Ecole de droit de la Sorbonne (université Paris 1) et membre de l’Institut de recherche en droit international et européen de la Sorbonne (IREDIES).