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© International Chamber of Commerce (ICC) – source : http://www.iccwbo.org/News/Photo-Galleries/2012/ICC-history/

La flexibilité du règlement de la Cour d’arbitrage de la chambre de commerce internationale de 1998 a permis à celle ci de s’adapter aux nouvelles problématiques arbitrales sans   pour autant changer les règles. Cependant, dans le souci d’une plus grande efficacité dans la résolution des litiges, et d’adaptabilité aux besoins des entreprises, la Cour a adopté un nouveau règlement qui codifie en grande partie ses pratiques. Ce nouveau règlement est entré en vigueur le 1er janvier 2012.

La révision du règlement suit le mouvement initiée par la réforme de la loi française de l’arbitrage interne et international (Le décret n°2011-48 du 13 janvier 2011).

Cette réforme avait pour objectif de: « Consolider une partie des acquis de la jurisprudence qui s’est développée sur cette base, d’autre part, d’apporter des compléments à ce texte afin d’en améliorer l’efficacité et, enfin, d’y intégrer des dispositions inspirées par certains droits étrangers dont la pratique a prouvé l’utilité. »[1. Rapport du Premier ministre, http://www.legifrance.gouv.fr/jopdf/common/jo_pdf.jsp?numJO=0&dateJO=20110114&numTexte=8&pageDebut=00773&pageFin=00777 ]

L’objectif poursuivi est exactement le même avec la révision du règlement de la CCI, l’idée était de retranscrire les pratiques de la chambre arbitrale afin d’améliorer l’efficacité des procédures arbitrales. Les transactions économiques sont de plus en plus complexes, les arbitrages qui en découlent le sont fatalement. Il fallait des règles qui permettent une meilleure prise charge de cette complexité (gérer des procédures avec plusieurs parties, impliquant plusieurs contrats, notamment en cas de montages financiers), et permettant de satisfaire les demandes de nature provisoire et conservatoire.

Pour plus de rapidité

La création du statut de ‘l’arbitre d’urgence” est l’ajout le plus significatif du nouveau règlement (art.29). Cette mesure permet à toute partie de solliciter des mesures conservatoires ou provisoires urgentes qui ne peuvent pas attendre la constitution du tribunal arbitral. Les mesures adoptées ne lient pas ce dernier qui peut modifier ou annuler l’ordonnance de l’arbitre d’urgence. Ces dispositions ne s’appliqueront pas dans trois situations: lorsque la convention d’arbitrage visant le règlement a été conclue avant l’entrée en vigueur du règlement 2012, lorsque les parties ont convenues d’exclure les dispositions relatives à l’arbitre d’urgence ou lorsqu’elles ont opté pour une autre procédure pré-arbitrale prévoyant l’octroi de mesures conservatoires, provisoires ou d’autres mesures similaires. La faculté des parties de saisir l’arbitre d’urgence diffère de la procédure de référé arbitral de la CCI en ce que cette dernière doit faire l’objet d’une convention spécifique des parties alors que les  dispositions relatives à l’arbitre d’urgence s’appliquent automatiquement à toutes les conventions d’arbitrages conclues après le 1er janvier 2012, sauf si les parties en décident autrement.

Cette exigence de rapidité se reflète également dans la mise en place de dispositions permettant l’accélération du processus de nomination des arbitres. En effet, selon l’article 13, la Cour peut nommer les arbitres dans les cas où une partie au moins est un Etat ou une émanation d’un Etat, lorsqu’il convient de nommer un arbitre ressortissant d’un Etat ne disposant pas d’un comité national ou d’un groupe à la CCI, où lorsque les circonstances rendent nécessaire l’intervention de la Cour dans la nomination des arbitres.

Pour une meilleure maîtrise des arbitrages complexes

La complexité grandissante des transactions économiques se répercutent sur les litiges qui en découlent. A cette fin, la Cour a adopté des mesures propres aux arbitrages dits “complexes”, arbitrages impliquant plusieurs parties et/ou plusieurs contrats. Elle a  premièrement codifié sa pratique en matière d’intervention. En effet, l’article 7 permet “au demandeur” ou au “défendeur” de demander qu’un tiers devienne une partie à l’arbitrage. Le tiers, quant à lui, ne peut joindre l’arbitrage de sa propre initiative. Selon le nouveau règlement, aucune intervention ne pourra avoir lieu après la confirmation ou la nomination d’un arbitre, sauf si les parties en conviennent autrement.

Le règlement permet également à la Cour de joindre dans un arbitrage unique plusieurs arbitrages pendants et soumis au règlement de la CCI. Cette jonction d’arbitrages ne peut avoir lieu qu’à la demande d’une partie, ni la Cour, ni le tribunal arbitral ne peut décider de la jonction de leur propre initiative. La jonction peut être décidée soit lorsque les parties en conviennent, soit lorsque l’ensemble des demandes formées l’ont été en application de la même convention d’arbitrage. De même, la Cour peut joindre des arbitrages dans le cas où les demandes ont été formées en vertu de plusieurs conventions d’arbitrages, qu’elles intéressent les mêmes parties, portent sur des différends découlant du même rapport juridique et que la Cour considère que les conventions d’arbitrage sont compatibles. Afin de décider de la jonction, la Cour apprécie si certaines circonstances sont pertinentes, notamment la nomination d’arbitres en commun.

Pour une meilleure maîtrise de la durée et du coût de l’arbitrage

Le nouveau règlement prévoit désormais que les parties et les tribunaux arbitraux  sont soumis à l’obligation de conduire la procédure d’arbitrage avec célérité et efficacité en termes de coût, eu égard notamment à la complexité du litige (art.22.1). Pour le tribunal arbitral, cette obligation se traduit par l’organisation d’une conférence sur la gestion de la procédure d’arbitrage au début de chaque instance “afin d’assurer une gestion efficace de la procédure” et ainsi éviter des procédures inutilement coûteuses et d’une durée excessive. Le tribunal arbitral peut également, dans la fixation des frais de l’arbitrage, tenir compte des circonstances qu’il estime pertinentes “y compris dans quelle mesure chacune des parties a conduit l’arbitrage avec célérité et efficacité en termes de coûts” (art. 37.5).

Pour mieux répondre aux exigences des parties

Le nouveau règlement mentionne expressément l’impartialité de l’arbitre (art.11), alors que les anciennes règles ne faisaient référence qu’à son “indépendance” même si dans la pratique l’arbitre pouvait être récusé s’il faisait preuve de partialité.

La confidentialité constitue également une exigence fondamentale des entreprises. Les parties peuvent demander au tribunal arbitral de rendre une ordonnance concernant la confidentialité de la procédure arbitrale et l’arbitrage. L’arbitre peut, dans cette optique, prendre des mesures garantissant la protection des secrets d’affaires et autres informations confidentielles (art. 22.3). Notons cependant que le nouveau règlement ne contient toujours pas d’obligation générale de confidentialité.

Le nouveau règlement, tout en demeurant fidèle à la philosophie de l’arbitrage de la CCI, apporte des changements significatifs afin de garantir l’efficience de la procédure arbitrale. En répondant ainsi au mieux aux besoins des entreprises d’aujourd’hui, la Cour d’arbitrage de la CCI entend maintenir sa place de principale institution mondiale de règlement des litiges commerciaux.

Il est beaucoup trop tôt pour se prononcer sur les impacts du nouveau règlement d’arbitrage dans la mesure où seuls les litiges soumis à la CCI après le 1er janvier 2012 se verront appliquer le nouveau règlement.

La révision du nouveau règlement a été saluée, car il s’agit d’une véritable codification des pratiques de la cour. Elle permet également une meilleure gestion de la durée, des couts, des arbitrages dits « complexes ». La conclusion de l’article de Pierre Mayer et d’Eduardo Silva Romero, explique parfaitement les enjeux et l’impact de la nouvelle réforme:  « Le nouveau règlement d’arbitrage de la CCI est le fruit de discussions et d’études particulièrement intenses et nombreuses. Pour autant il n’est pas révolutionnaire. La vieille institution qu’est l’arbitrage de la CCI évolue avec son environnement. Les instances arbitrales sont de plus en plus complexes, en raison entre autres de la multiplication des situations de pluralité de parties ou de contrats, des incidents de procédures, des demandes de nature conservatoire ou provisoire. Par ailleurs les demandes de plus grande transparence se font pressantes. C’est pour tenir compte de ce nouveau contexte que les rédacteurs du règlement de 2012 ont élaboré de nouvelles règles, amélioré la rédaction et parfois modifié la substance des anciennes, sans pour autant transformer un système dont le succès a toujours été grandissant. »[2. Pierre Mayer, Eduardo Silva Romero, “Le nouveau règlement d’arbitrage de la CCI”, Revue de l’arbitrage, 2011, n°4]

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About the Author

Amina Hassani

Graduated from Sorbonne Law School (University Paris 1 Pantheon Sorbonne) with a specialization in International Comparative Law.

Her interest in International dispute settlement began whilst studying public / private international law and international trade law. As an international comparative law Master student, she studied international investment and commercial arbitration and wrote a master thesis concerning "The interference of trade boycott in international commercial arbitration" which raised issues concerning conflicts generated by trade boycott in international arbitration.

Just before joining the MIDS (Master in International Dispute Settlement), Amina did an internship at the International Arbitration Chamber of Paris. She was closely associated to the development of the arbitration's operation lead by the International Arbitration Chamber of Paris. She helped them by responding to different requests, by studying legal affairs (International and national cases) and by drawing up notes. She also assisted to the arbitration hearings and participated to the arbitration awards writing in direct cooperation with arbitration courts.