Ce message est également disponible en : Anglais

Considérée comme l’un des pays les plus attractifs en termes d’investissements étrangers, la corruption endémique sévissant en Chine demeure toutefois un frein majeur pour les entreprises souhaitant s’implanter sur le marché national.

En effet, le processus de transition engagé par la Chine d’une économie de marché contrôlée à une économie plus ouverte sur l’international a permis au pays de connaître une croissance économique sans précédent. Néanmoins, cette période de transition a également été propice à la montée de la corruption en raison d’agents publics chinois qui, peu scrupuleux, ont tenté de tirer profit de la situation pour s’enrichir personnellement. On considère ainsi que la corruption représente au moins 3 % du Produit intérieur brut annuel du pays[1].

De plus, Transparency International, organisation non gouvernementale de premier ordre dédiée à la lutte contre la corruption, a classé la Chine soixante-dix-huitième sur cent soixante dix-huit pays sur son Indice de perception en 2010, illustrant la défiance existante à l’encontre des institutions du pays.

Pourtant, la Chine désire mettre un terme à la perception négative de la communauté internationale quant à sa position face à la corruption. De ce fait, elle a, le 13 janvier 2006, ratifié la convention des Nations unies contre la corruption[2], s’engageant dès lors à incriminer la corruption active et passive d’agents publics nationaux ou étrangers, ainsi qu’un certain nombre d’infractions connexes, à prendre des mesures de prévention, à renforcer la coopération internationale et, enfin, à faciliter la restitution des avoirs.

Peu à peu, le gouvernement ayant pris conscience du risque engendré par la corruption en matière de stabilité politique et de croissance économique et soucieux de tenir les engagements pris envers les Nations unies, a souhaité prendre des mesures visant à intensifier la lutte contre la corruption. Par conséquent, en septembre 2007, un bureau national de prévention de la corruption en charge de renforcer la coopération internationale, ainsi que de s’assurer de la mise en œuvre des obligations prises par l’état dans le cadre de la convention des Nations unies, a été créé. De même en 2008, l’incrimination de la corruption internationale fut inscrite comme l’un des objectifs à atteindre par le plan quinquennal de lutte contre la corruption établi par le Comité central du parti communiste. Enfin, l’an dernier, le nombre de condamnations pour ce type de faits a littéralement explosé. En 2010, plus de 100 000 fonctionnaires chinois ont été condamnés pour corruption et plus de 4,44 milliards de yen (450 millions d’euros) ont été recouvrés par les autorités[3]. Trois directeurs chinois d’entreprises publiques ont d’ailleurs été condamnés à la peine de mort pour ces faits.

C’est donc en toute logique que l’Assemblée populaire de Chine a adopté, le 25 février 2011, quarante-neuf amendements à la législation pénale dont un portant sur l’incrimination de corruption d’agents publics étrangers et de personnes dépositaires de l’autorité publique au sein d’organisations internationales. Ces réformes, qui entreront en vigueur le 1er mai 2011, symbolisent une véritable volonté des autorités chinoises de s’aligner sur les standards internationaux.

Désormais, la loi pénale chinoise incrimine le fait pour quiconque fournit des biens à un agent public étranger ou une personne dépositaire de l’autorité publique au sein d’une organisation internationale dans le but d’obtenir un avantage commercial indu.

D’après les articles 6 et 7 de la loi pénale chinoise, ce nouvel amendement s’applique à tous les citoyens de la république de Chine quel que soit le lieu de commission de l’infraction, toute personne physique quelle que soit sa nationalité dès lors que l’infraction est commise en Chine, mais aussi à toute entreprise, société et institution enregistrée en Chine incluant les entreprises de droit chinois, les consortiums associant des entreprises chinoises et étrangères, ainsi que les bureaux de représentation d’entreprise étrangère.

Ces faits sont passibles de peines d’emprisonnement pouvant aller de trois à dix ans pour les personnes physiques et de sanctions financières pour les personnes morales. De plus, les dirigeants d’entreprises qui se rendraient coupables de corruption sont également susceptibles d’être condamnés à des peines d’emprisonnement.

Auparavant, seule la corruption d’agents publics nationaux était incriminée. De ce fait, l’adoption de telles dispositions est un signe fort envoyé tant à la communauté internationale qu’aux entreprises étrangères qui déploraient une certaine distorsion de concurrence de part l’existence de dispositions législatives divergentes. Mark Pieth, président du groupe de travail sur la corruption de l’OCDE, a d’ailleurs salué cette évolution du droit chinois, considérant qu’elle incarnait une étape importante dans la lutte internationale contre la corruption.

Néanmoins, il est regrettable que ces nouvelles dispositions ne nous éclairent pas davantage sur l’appréciation qui sera faite par les autorités de poursuites chinoises du comportement fautif de l’auteur de faits de corruption. D’autre part, ces autorités ne prévoient pas d’exceptions à l’application de la règle de droit ni n’admettent l’existence de moyens de défense affirmatifs tels que la mise en place de programme de conformité. Enfin, la loi pénale chinoise ne définit pas la notion « d’agent public étranger » ni même les termes d’« avantage commercial indu » ou encore des « biens » octroyés à l’agent public.

Aussi, en pratique, l’impact de ce nouvel amendement demeure limité. Effectivement, un certain nombre d’entreprises chinoises sont d’ores et déjà soumises au UK Bribery Act ou encore au Federal Corrupt Practices Act, qui prohibent la corruption d’agents publics étrangers, soit du fait d’activités commerciales sur le territoire britannique, soit du fait de leur cotation sur le marché américain. Dès lors, certaines entreprises chinoises se sont déjà saisies de la question tant dans leurs activités domestiques qu’à l’étranger. Certaines, à l’instar de PetroChina, ont ainsi adopté des codes d’éthique condamnant spécifiquement tout fait pouvant être assimilé à de la corruption.

Récemment, d’autres états pourtant mal classés par Transparency InternationaI ont également fait part de leur volonté de participer à l’effort international de lutte contre la corruption. Le Brésil et l’Afrique du Sud ont depuis peu signé la convention OCDE. La Russie, quant à elle, a formellement demandé à adhérer à cette dernière. Un projet de loi est d’ailleurs actuellement en discussion au sein de la Douma. À l’heure actuelle, trente-huit pays ont ratifié cette convention marquant un pas de plus vers l’endiguement de la corruption qui « constitue une menace pour la prééminence du droit, la démocratie et les droits de l’Homme » et « entrave le développement économique » des états concernés[4].

 


[1] http://www.business-anti-corruption.com/country-profiles/east-asia-the-pacific/china/

[2] Convention des Nations unies contre la corruption, 31 octobre 2001.

[3] FCPA Blog « China, the year in graft », 11 janvier 2011.

[4] Convention pénale sur la corruption du Conseil de l’Europe, 27 janvier 1999.

Recommandez à vos amis
  • gplus
  • pinterest

À propos de l'auteur

Julie de Clerck

Ancienne élève de l’École normale supérieure et de Sciences Po Paris. Avant de rejoindre Conventions, Julie De Clerck a notamment été assistante parlementaire au Sénat, puis attachée de direction à la Fondation Jean-Jaurès.