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Date / Heure
Date(s) - 03/02/2015
8 h 45 min - 10 h 30 min

Emplacement
Ministère des Affaires étrangères, site Conventions


Le débat sur la gouvernance de l’Internet est déjà ancien, mais les premières initiatives internationales en la matière, comme le Sommet mondial de la société de l’information (SMSI), n’ont pas permis d’avancée très significative, si ce n’est certaines intéressantes déclarations de principe, comme le document de conclusions du sommet NETmundial qui s’est tenu en avril 2014 à Sao Paulo. Il semble cependant que l’approche multi acteurs (multistakeholder) fasse désormais l’objet d’un assez large consensus : la récente décision fédérale américaine d’abandonner la gestion de la racine de nommage et d’adressage de l’Internet (IANA) en septembre 2015 marque un pas dans cette direction.

Les conséquences de l’affaire Snowden, en entamant sérieusement le magistère moral des États-Unis, prêtent par ailleurs à cette question une urgence nouvelle. Ce moment particulier crée une opportunité, voire un effet d’aubaine, pour des acteurs variés, aux programmes très divers, de faire valoir leur point de vue.

Après une période d’enfance bénie, où les parties prenantes s’accommodaient du statu quo, il est apparu en effet que l’internet avait désormais trop grandi pour être laissé entre les seules mains de la communauté technique qui veillait sur le réseau depuis l’origine avec des modèles de gouvernance coopérative. On sait que les grandes firmes technologiques mondiales (GAFA en tête) ont déjà largement investi certaines de ces instances et qu’il faut désormais compter avec l’influence de leurs stratégies économiques privées. Mais on sait aussi que si on s’écarte du statu quo, un renforcement trop marqué par une régulation interétatique conduirait à la fragmentation du cyberespace et sans doute à des formes de fermeture et de contrôle non conformes à l’esprit originel de l’Internet, ni à l’État de droit.

Pour sortir des représentations binaires, liberté ou surveillance, privé ou public, sans doute faut-il d’abord regarder de plus près ce qui doit être gouverné exactement. Quels principaux organismes aujourd’hui (IETF, ISOC, ICANN), et comment fonctionnent-ils exactement ? Existe-t-il un ou plusieurs modèles ? Communiquent-ils entre eux ? Les questions de gouvernance se posent-elles de la même façon suivant qu’on s’intéresse d’abord à la cyber sécurité, à l’adoption de standards techniques, à la liberté d’expression ou au traitement des données personnelles ? Sans compter que demain, les enjeux principaux de régulation de l’économie numérique déborderont largement l’Internet, à tel point que certains – dont le président de Google – parlent aujourd’hui de « la fin de l’Internet » ou d’un Internet présent mais invisible, dans un monde « hautement interactif »…..

Plusieurs questions au cœur des débats sur cette nouvelle gouvernance de l’Internet doivent pouvoir être abordées. Tout d’abord une question institutionnelle concernant la représentativité, l’organisation et le processus de décision au sein des instances collaboratives de l’Internet, au premier rang desquelles l’ICANN, mais aussi l’IETF.

Il importe aussi que les différentes parties prenantes, tant publiques que privées, s’accordent sur un ensemble de principes fondamentaux, politiquement et juridiquement consacrés, qui puissent encadrer au quotidien les travaux des différentes instances collaboratives internationales, régionales ou nationales. De ce point de vue le document final de Rio pourrait servir de base à la construction de ce consensus multi acteurs.

On peut ensuite évoquer plusieurs sujets politico juridiques spécifiques qui illustrent les insuffisances actuelles de la gouvernance internationale du Net :

1°) l’ouverture et la gestion des nouveaux noms de domaine invite à mieux prendre en compte en amont leur impact sur les secteurs économiques concernés ainsi que sur les droits de propriété intellectuelle préexistants. Les nouvelles extensions « .vin » et « .wine » en sont un exemple récent ;

2°) la préservation de la neutralité technologique des choix effectués en matière de normalisation du Net (en particulier au sein de l’IETF) mérite sans doute d’être mieux assurée, qu’il s’agisse de veiller plus strictement aux interactions possibles entre les normes et les brevets détenus par les entreprises du secteur ou de s’assurer que la sécurité du réseau et la protection légitime de ses utilisateurs sont bien prises en compte ;

3°) l’importance croissante des contentieux impliquant les activités en ligne incite également à faire avancer la réflexion internationale autour des questions de compétence juridictionnelle dans le cyberespace, afin de favoriser la reconnaissance de bonnes pratiques ou de règles de conflit aptes à limiter le « forum shopping » et à assurer au justiciable un respect effectif de ses droits sur les réseaux.

La question de la gouvernance d’Internet est vaste et difficile, parce qu’elle recouvre la question des reconfigurations actuelles du pouvoir dans le monde – l’émergence de nouvelles puissances géopolitiques, mais aussi l’apparition, avec l’explosion des technologies de l’information qui nourrit sa dynamique propre, de nouveaux acteurs et de nouvelles relations économiques et politiques. Affirmer que l’Internet doit être gouverné, c’est aussi redire que la norme doit agir sur la technique, de l’extérieur. Mais il peut être nécessaire d’inventer de nouveaux modèles qui correspondent à la nature du phénomène et aux multiples usages qui en sont faits, y compris ceux que l’on ne connait pas encore.

Anne-Lorraine Bujon de l’Estang et Bertrand Warusfel

 

PROGRAMME

 

Annexes Documentaires :

 

Pour aller plus loin :

  • France Culture  – 24 avril 2014 – « Netmundial ou comment l’Internet doit-il être gouverné ? »
Chronique de Xavier de la PORTE « Ce qui nous arrive sur la toile«
  • France Culture – 19 avril 2014 – « Plaidoyer pour une souveraineté numérique »
Place de la toile de Xavier de la PORTE
  • France Culture – 19 avril 2014 – « Internet est-il en train de disparaitre ? »
Place de la toilede Xavier de la PORTE

 

Cette séance s’inscrit dans le cadre du groupe de travail sur le numérique

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